Matières premières. Avec cette acquisition, le fabricant de pneumatique français met la main sur 40 000 hectares de plantations d’hévéas en Afrique de l’Ouest. Un achat qui lui permettra notamment d’amortir les chocs de la spéculation sur le cours du caoutchouc.

Silence, ça pousse… Pourquoi ne pas parodier le titre de l’émission de France 5 pour évoquer la dernière opération financière de Michelin ? Le fabricant de pneumatique français vient, en effet, de prendre la main sur 40 000 hectares de plantations d’hévéas. Une main verte, mais loin d’être en caoutchouc. Désormais, le culte du secret régnera dans les rangs. Une marque de fabrique de l’entreprise familiale clermontoise.

Michelin a annoncé, mardi 6 juin, le rachat de la totalité du capital du planteur d’hévéas SIPH avec son allié, le premier groupe agro-industriel ivoirien SIFCA. Ensemble, ils reprendront les 20,6 % des parts placées aujourd’hui sur le marché boursier. Le retrait de la cote n’obligera plus l’entreprise à une certaine transparence. Ce retrait devrait « renforcer la confidentialité autour de ses activités », affirment d’ailleurs les partenaires dans leur communiqué.

Mention « zéro déforestation »

SIPH, qui possède des plantations en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Nigeria et au Liberia, et achète aussi de l’hévéa à des petits planteurs indépendants, a produit 220 000 tonnes de caoutchouc en 2016. Mais le latex naturel, dont 70 % des volumes sont absorbés par l’industrie pneumatique, n’a pas toujours bonne presse. Car parfois, plantation rime avec déforestation. Conscient du risque de réputation, ou de balle perdue, dangereuse même en caoutchouc, le constructeur automobile américain General Motors a pris les devants.

 

Le géant de Detroit a déclaré, mi-mai, vouloir imposer à ses fournisseurs de pneus la mention « zéro déforestation ». Avec l’obligation de respecter les zones protégées dans les grands pays de production comme la Thaïlande, l’Indonésie et le Brésil. Ou comment promouvoir des pneus lisses… en matière d’image. Bridgestone, Continental, Goodyear et Michelin sont sous la pression de GM désireux de prendre des gants avec le caoutchouc.

Un cours qui joue à l’élastique

L’acquisition de SIPH présente un autre atout pour Michelin. Celui d’amortir les chocs de la spéculation. Après avoir lentement dégonflé en 2015, le cours du caoutchouc est resté sur la jante jusqu’en octobre 2016. Puis il s’est littéralement envolé pour atteindre un sommet historique en février 2017. Depuis il joue à l’élastique et a perdu près de 20 % de sa valeur. Vendredi 9 juin, il se négociait à 189,1 yens la tonne à la Bourse des matières premières de Tokyo.

 

Cette remontée du suc de l’hévéa a profité à la société de plantation SIPH, dont le chiffre d’affaires du premier trimestre 2017 a bondi de 75 %, à 94,7 millions d’euros. A l’inverse, elle a pesé sur l’activité des fabricants de pneumatiques. Mais ceux-ci n’ont pas hésité à gonfler leurs prix pour passer la balle aux consommateurs. Avec succès. D’où la décision du groupe chinois ChemChina d’accélérer la mise en Bourse du manufacturier italien Pirelli qu’il avait acheté en 2015. Le nouveau calendrier Pirelli fixe la date d’introduction au dernier trimestre 2017. Avec l’espoir de lever 1,2 milliard d’euros. A condition qu’il n’y ait pas de sortie de route…

 

Le Monde Afrique

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