L'année 2010 aura été l'année de tous les records sur les marchés des matières premières. Vedette incontestée, l'or n'a jamais été aussi haut. Le pétrole file de nouveau vers les 100 dollars le baril. Quant aux produits agricoles, certains ont atteint des records historiques. Leur volatilité a incité la présidence française du G20 à faire de la régulation de ces marchés une de ses priorités.

 

L'or, dix ans de hausse ininterrompue

«L'or ne fait rien d'autre que de vous regarder droit dans les yeux et vous coûter des frais», avait asséné Warren Buffett. La performance du métal jaune sur l'année -+26 % -ne lui donne pas raison. En 2010, la dixième année de hausse consécutive, l'or a battu un record historique, à 1.422,70 dollars l'once le 9 novembre. En euros et en livres, aussi, il a battu un plus haut historique. En yen, le métal précieux a retrouvé son niveau de 1983.


Depuis la faillite de Lehman Brothers en 2008 et les craintes d'explosion du système financier mondial, les investisseurs voient dans l'or le meilleur moyen pour parer à toute éventualité en cas de risque extrême. Dans tous les cas, que les marchés s'inquiètent d'un éventuel retour de l'inflation aux Etats-Unis ou qu'ils redoutent une nouvelle récession après la crise des dettes souveraines européennes, l'or en profite. L'absence de vendeur structurel -le Fonds monétaire international (FMI) a étalé ses ventes sur une longue période pour éviter tout soubresaut -constitue un fort soutien au mouvement haussier. Ce phénomène est d'autant plus exacerbé que les banques centrales des pays émergents, essentiellement dans la zone asiatique, à forts excédents commerciaux et soucieuses de diversifier leurs réserves de change au-delà du dollar, sont devenues acheteuses d'or depuis septembre 2009

 

L'argent au plus haut depuis 30 ans

L'once d'argent s'est envolée au cours des derniers mois de 2010. Plus volatil et plus spéculatif que son grand frère, «l'or du pauvre» a commencé à grimper plus tard mais, au final, sa performance est supérieure. Depuis le début de l'année, il a ainsi monté de plus de 75%.


C'est beaucoup mais, dans le même temps, certains opérateurs sont persuadés que le métal blanc aurait pu s'apprécier davantage. Bart Chilton, l'un des cinq commissaires à la Commodity Futures Trading Commission (CFTC), l'organe de régulation américain des marchés à terme des matières premières, en est convaincu : «Je crois qu'il y a eu des tentatives répétées d'influencer les cours sur les marchés de l'argent.»La manipulation s'expliquerait par une concentration excessive de gros intervenants sur le marché, qui auraient parié des sommes gigantesques sur la baisse des cours. JPMorgan Chase pourrait être impliqué dans la fraude.

 

Le cuivre ne s'oxyde pas

Quand le cuivre va, tout va ? Troisième métal le plus utilisé au monde, présent partout, dans le bâtiment comme dans les produits électroniques ou les équipements industriels, le métal rouge est considéré par les économistes comme l'un des principaux indicateurs avancés de la conjoncture. Cette année, le cuivre a progressé de plus de 25%. Le 21 décembre, en séance, son cours a franchi un plus haut historique à 9.392 dollars par tonne. Son prix est extrêmement lié à la demande qui s'avère excédentaire. Au cours de l'année, les spécialistes ont révisé leurs estimations de déficit. Le cabinet Brook Hunt, qui s'attendait en juillet à un équilibre sur l'année 2010, anticipe désormais que la demande en cuivre excédera l'offre de 280.000 tonnes. A l'origine de cette demande, la Chine, qui consomme un peu moins de 40% du cuivre. La mise sur le marché des premiers ETC (Exchange Traded Commodities, ces fonds côtés en continu) adossés au métal physique a également créé une tension importante sur l'offre.

 

Le baril de pétrole en route vers 100 dollars

Après avoir évolué dans une fourchette de 70 à 80 dollars depuis l'automne 2009, les prix du pétrole sont en train de renouer avec une certaine volatilité. Les cours du baril ont ainsi franchi le cap des 80 dollars à l'automne 2010, avant de s'installer au-dessus des 90 dollars à Londres et de frôler ce seuil à New-York. Dans ce contexte, les analystes de Goldman Sachs, Morgan Stanley, Bank of America ou Merrill Lynch tablent tous sur un baril à 100 dollars en 2011. Un seuil jamais atteint depuis le début d'octobre 2008.


Cette hausse a un impact sur le discours des uns et des autres. Le ministre saoudien du Pétrole, Ali al-Naimi, considère désormais qu'une fourchette de prix de 70 à 90 dollars est satisfaisante pour les consommateurs, alors qu'il n'évoquait jusqu'à présent qu'un écart de 70 à 80 dollars. «Le marché s'habitue doucement mais sûrement à l'idée d'une plus grande volatilité et d'une fourchette de prix de 70 à 90 dollars», estime Barclays Capital dans une note de recherche.Pour l'Opep, la hausse des cours est essentiellement liée à l'influence des indicateurs macroéconomiques (affaiblissement du dollar, état de santé des marchés boursiers...). Pas question, dans ce contexte, de revoir l'objectif de production. Laissé inchangé depuis décembre 2008, celui-ci s'élève à 24,8 millions de barils par jour. «L'Opep ne bougera pas si le baril de pétrole atteint les 100 dollars sous l'effet de la spéculation», martèle le secrétaire général de l'Organisation, Abdallah el-Badri.


 D'autres facteurs pèsent néanmoins. Le marché pétrolier bénéficie d'une forte demande en Asie. Selon le cabinet d'études Wood Mackenzie, la consommation de gazole et d'essence croît à un rythme de 8% par an en Chine. Début décembre, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) a réévalué, pour la troisième fois d'affilée, sa prévision de la demande de pétrole pour 2011. L'AIE, qui représente les intérêts des pays industrialisés, a hissé son estimation de 260.000 barils par jour, en raison d'une nette hausse de la consommation en Amérique du Nord et en Asie. L'agence table désormais sur une croissance de la demande mondiale de 1,5% en 2011, à 88,8 millions de barils par jour, après un bond de 2,9% en 2010.

 

Coup de chaud sur le blé

Après la flambée des cours à l'été 2010 causé par l'embargo russe, le prix du blé a connu un nouvel accès de fièvre début décembre, les marchés s'inquiétant désormais d'une dégradation des conditions de culture en Australie et aux Etats-Unis.A Chicago comme à Paris, les cours du blé ont ainsi atteint le 6 décembre leur plus haut niveau en quatre mois. Après quelques mois de relative accalmie après la sécheresse en Russie -les prix étaient montés à plus de 8 dollars le boisseau de 27 kilos -, les marchés se sont affolés de nouveau. A l'origine de ces craintes : la Nina. Ce phénomène climatique récurrent, qui fait osciller la température de l'océan Pacifique, entraîne souvent de fortes pluies en Asie du Sud et en Australie, ainsi que des épisodes de sécheresse en Amérique du Sud. Des pluies diluviennes ont perturbé ces derniers temps la récolte de blé de l'Est australien, une région très exportatrice sur laquelle plusieurs pays comptaient après les déboires des pays de la mer Noire. Aux Etats-Unis, le département de l'Agriculture (USDA) estime qu'à ce jour, 47% des blés d'hiver semés à l'automne sont «bons» à «excellents», contre 63% il y a un an, un plus bas depuis 20 ans.L'été dernier, des observateurs se prenaient à prédire le retour d'un scénario semblable à 2007, quand, en raison d'une grave crise globale de l'offre de céréales, les prix avaient doublé entre février de cette année-là et le même mois de 2008, pour dépasser les 10 dollars le boisseau. Or, entre les doutes sur la reprise et les stocks de départ, le contexte est très différent.

 

Le coton a plus que doublé en un an

Les prix du coton ont de nouveau beaucoup progressé à New York, touchant des records, alors que le marché reste préoccupé par la faiblesse de l'offre comparé à une demande toujours aussi forte. Mardi 21 décembre, sur le marché à terme de Chicago, le coton pour livraison en mars a franchi un plus haut historique, à 159 cents la livre. Son prix a plus que doublé depuis janvier, soit la plus forte hausse depuis 1973. L'offre est particulièrement sous tension. Le gouvernement indien «continue de réfléchir à la possibilité d'accorder plus de temps aux exportateurs pour vendre leur quota de 5,5 millions de balles de 170 kilogrammes de coton chacune au delà de la date limite» qui était fixée au 15 décembre, ont rapporté les analystes de Barclays Capital. Les opérateurs espéraient que le gouvernement indien se montrerait plus souple, alors qu'il a autorisé l'exportation de davantage de sucre.Le coton chinois connaît à son tour la pénurie. Les inondations de cet été en Asie ont compromis sérieusement la récolte 2009-2010. La production du Pakistan, quatrième producteur mondial, a baissé de 18% cette année. En Chine, premier producteur mondial, le recul a été de 5,4%.


Avec un prix d'achat en hausse de 30%, les grossistes sont obligés de le répercuter sur les prix de vente sur les acteurs de l'industrie textile.La pénurie sur le marché du coton n'a rien de conjoncturel. Peu élevés, ces dernières années, les prix du coton n'ont pas encouragé les agriculteurs à privilégier cette plantation sur les terres arables. Par conséquent, les stocks sont à leur plus bas niveau depuis quatorze ans.

 

Le caoutchouc au plus haut de son histoire

Faute d'une récolte suffisante, le caoutchouc a pulvérisé ses records. Au Tocom, le marché à terme des matières premières de Tokyo, le contrat pour livraison avril 2011 s'est traité à de 411,4 yens par kilogramme le 22 décembre. Depuis le début de l'année, son prix a augmenté de 60%. Si les marchés financiers mettent la gomme sur le latex, c'est que les conditions météorologiques ont été mauvaises dans la zone asiatique, d'où provient 95% de la production mondiale. Les principaux producteurs (Thaïlande, Indonésie, Malaisie) ont été victimes ces derniers mois de cyclones et de pluies torrentielles.Estimée à 9,5 millions de tonnes, la production de caoutchouc naturel devrait ressortir inférieure de près d'un million à la demande. Cette dernière n'a par ailleurs jamais été aussi forte de la part de la Chine et de l'Inde pour leur production automobile, principal débouché. La Chine devrait procéder à des importations record de 1,7 million de tonnes. De son côté, l'Inde, pourtant quatrième producteur, n'arrive plus à fournir ses propres usines de pneus.

 

Le prix du sucre est salé

La hausse des cours du sucre s'est amplifiée depuis octobre 2010. Le cours moyen du sucre roux est passé de 23 cents par livre en septembre 2010 à 33,65 cents le 21 décembre, un plus haut depuis trente ans.Ses fondamentaux ne cessent d'être mis sous pression par les conditions météorologiques. Après une récolte mitigée au Brésil, premier producteur et exportateur pour cause de sécheresse, la récolte indienne a subi des avaries. L'Etat du Maharashtra devrait récolter un tiers de cannes en moins après les pluies diluviennes constatées depuis octobre. Si la pluie ne détruit pas les cannes, elle retarde la récolte, alors même que la situation est déjà tendue sur le marché physique depuis de longs mois.


En Australie, troisième exportateur, l'offre risque d'être inférieure aux attentes : le rendement de la canne à sucre -qui en est à sa quatrième récolte -sera sans doute inférieur aux années précédentes.

 

Le cacao au coeur de la spéculation

C'est un des rares marchés agricoles sans tension sur l'offre. A priori. La campagne 2010-2011, qui a démarré en octobre, s'annonce exceptionnelle, même si elle a pris un peu de retard après de fortes pluies au début. La production de la Côte d'Ivoire devrait avoisiner 1.350 millions de tonnes, contre 1.242 millions l'an dernier. Au Ghana, deuxième producteur et pays voisin, la récolte devrait aussi être abondante, tout comme en Indonésie. Sauf qu'à force, la situation politique en Côte d'Ivoire étant bloquée depuis mi-novembre, si les fèves ne peuvent sortir du pays, les prix pourraient bien renouer avec leurs plus hauts de cet été (2.348 livres la tonne), quand le «hedge fund» britannique Armajaro avait tenté de faire main basse sur la boisson des dieux en achetant 7% du marché pour l'assécher.

 

Source LES ECHOS.FR

 

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