Les deux géants suisses des minerais et des métaux vont devoir examiner les chances de création de valeur qu'offrirait une fusion intégrale de leurs activités. L'enjeu est la création d'un colosse à la fois dans les mines et le négoce capable de faire concurrence aux trois leaders du secteur que sont BHP Billiton, Vale et Rio Tinto.

Le leader mondial du négoce physique de matières premières, le suisse Glencore, et son compatriote minier Xstrata sont appelés à jauger la faisabilité et d'éventuels avantages d'un projet de fusion entre leurs sociétés. A la clef, la création d'un colosse des mines et du négoce évalué, au bas mot, à 80 milliards de dollars et capable de lutter à armes égales avec le Top 3 du secteur : BHP Billiton, Vale et Rio Tinto. Selon nos informations, de premières approches informelles auraient déjà eu lieu. Mais ces premiers contacts n'auraient pas donné lieu à des négociations en bonne en due forme. « Il n'y a aucune discussion formelle en cours actuellement entre les deux entreprises », indique-t-on chez Xstrata, qui refuse de commenter.


Les relations entre les deux compagnies sont anciennes et solides. Glencore contrôle plus du tiers du capital de Xstrata, issu en 2002 du négociant via la réunion de ses opérations dans le charbon australien et sud-africain. Glencore assure la commercialisation de plusieurs produits phares de l'entreprise minière : le charbon, le nickel et les alliages en tête. Sud-Africains de souche, Mick Davis, le patron de Xstrata, et Ivan Glasenberg, son homologue chez Glencore, tous deux ayant passé de peu la cinquantaine, se connaissent depuis longtemps et s'apprécient. Ivan Glasenberg siège depuis sa création au conseil d'administration de Xstrata.

Ressemblances

En outre, la ressemblance des groupes est plus grande qu'elle n'y paraît. Glencore n'est pas un simple groupe de négoce. Selon un analyste londonien, environ deux tiers de sa valorisation relèvent de ses actifs physiques, dont prioritairement sa participation dans Xstrata mais aussi ses 9 % dans Rusal, ses 72 % dans Katanga Mining, ses 44 % de Century Aluminium ou encore ses 71 % dans Minara Resources, pour ne mentionner que les firmes cotées. A cela s'ajoutent des actifs physiques non cotés importants, comme Mopani Copper Mines en Zambie (73,1 %) et, au Kazakhstan, Kazzinc (69 %) et Vasilkovskoje Gold (40 %). Les opérations de Glencore vont des mines aux fonderies et aux raffineries, en passant par les champs pétrolifères et les exploitations agricoles.

Les avantages d'une éventuelle union en termes de création de valeur sont indéniables, a reconnu récemment Mick Davis. « L'essentiel des synergies viendrait de l'union des équipes commerciales », tempère toutefois une source proche du dossier, car « les actifs physiques respectifs sont pour la plupart éloignés les uns des autres ». Pour autant, « les synergies seraient nettement supérieures à celles qu'aurait apportées le mariage avorté entre Xstrata et Anglo American », prétend une autre source qualifiée. Xstrata avait apprécié à plus de 1 milliard de dollars par an avant impôts les économies d'échelle issues d'une réunion avec Anglo. « En vertu des bénéfices que Xstrata tire du point d'observation unique sur les prix et la distribution que lui apporte Glencore, nous estimons que la combinaison des deux compagnies est une hypothèse meilleure que leur séparation », juge pour sa part un analyste londonien.

Le problème du calendrier

D'un point de vue stratégique, une fusion apporterait aussi une réponse satisfaisante. Elle effacerait les échecs des tentatives de consolidation de Xstrata avec Vale puis avec Anglo American. Quant à Glencore, l'union rapide avec Xstrata - à réaliser en principe cette année -lui permettrait d'éviter une cotation directe en Bourse dans le courant du second semestre 2010 tout en gagnant un accès élargi aux marchés des capitaux. Récemment, le négociant vient de réussir haut la main un placement d'obligations convertibles de 2,2 milliards de dollars, correspondant à près de 6 % de son capital.

Pièce qui complique le dossier, Glencore pourrait décider d'utiliser la somme levée pour exercer, à son échéance de mars, l'option de rachat à Xstrata de Prodeco - des mines de charbon colombiennes. Début 2009, à l'occasion de l'augmentation de capital de 5,9 milliards de dollars du groupe minier, Prodeco avait été cédé par Glencore à Xstrata afin de préserver le niveau de sa participation dans ce dernier.

Le calendrier de l'éventuelle fusion fait aussi débat. « C'est à Glencore de prendre l'initiative d'une fusion avec Xstrata », affirme un expert, car « l'intérêt pour cette consolidation est plus élevé chez le négociant que chez le groupe minier ». Les autres actionnaires de Xstrata pourraient préférer que Glencore s'introduise d'abord en Bourse. Le verdict du marché placerait Xstrata en position de force dans d'hypothétiques négociations avec son actionnaire de référence. Un scénario qui ne serait pas du goût de Glencore. Un autre analyste considère, au contraire, que Xstrata devrait fusionner avec le négociant avant que celui-ci s'introduise en Bourse, car la valorisation de Glencore pourrait surprendre par son niveau élevé. La partie est difficile. Elle ne fait que commencer.

MASSIMO PRANDI, Les Echos
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