Pétrole : le secteur commence à ressentir les effets des sanctions contre la Russie

Exxon Mobil et Total ont suspendu des ­opérations d’exploration, entamées ou à venir.

Il est encore un peu tôt pour évaluer précisément l’impact des sanctions américaines et européennes sur les investissements du secteur pétrolier en Russie, mais leurs premiers effets commencent à se faire sentir. ExxonMobil est ainsi contraint de suspendre de coûteuses opérations d’exploration menées avec Rosneft dans la mer de Kara, en Arctique, alors que le premier puits a débouché sur une découverte prometteuse en fin de semaine dernière . Selon Bloomberg, le parapétrolier franco-américain Schlumberger, très présent en Russie, aurait de même commencé à rapatrier une vingtaine de salariés étrangers. Total et Lukoil ont aussi indiqué avoir suspendu les opérations de leur coentreprise : celle-ci devait réaliser dès cette année des études sismiques et forer en 2015 son premier puits d’exploration d’hydrocarbures de schiste, dans le bassin de Bajenov.

Les sanctions visent les hautes technologies utilisées pour l’exploration ou la production de pétrole en eaux très profondes, dans l’Arctique, ou encore dans les gisements non conventionnels (pétrole de schiste). Depuis mi-septembre, certaines compagnies russes sont en outre nommément visées, parmi lesquelles Rosneft, Novatek ou Lukoil, avec lesquelles toute coopération est désormais interdite pour ce type de projet et qui ne peuvent plus contracter de financements en dollars.

La production future pourrait être affectée

A priori, la production actuelle n’est pas touchée. Le PDG de Lukoil Vagit Alekperov a toutefois souligné, dans le « Moscow Times », que 25 % de la production russe provient déjà de gisements difficiles à exploiter, nécessitant des technologies de fracturation. Les groupes occidentaux assurent une part non négligeable des 10 millions de barils extraits chaque jour dans le pays. « La Russie représente 30 % de la production de BP (qui détient 20 % de Rosneft), 10 % de celle de Total, 5 % de celle de Shell, 5,5 % de celle d’ExxonMobil », note un analyste financier.

C’est surtout la production future qui pourrait être affectée, alors que la Russie doit compenser le déclin de ses gisements sibériens. Les groupes russes se sont associés avec des compagnies occidentales (ExxonMobil, Shell, Total, Statoil, ENI…) pour explorer des zones plus complexes d’accès, pour lesquelles ils ont besoin de haute technologie : l’Arctique, la mer Noire, le bassin de Bajenov. Certes, les textes des sanctions sont encore imprécis. « On peut toutefois craindre que “l’effet BNP” ne pousse les entreprises et les banques à la prudence », note Olivier Appert, président de l’IFP EN.

Total, qui a donné en décembre le coup d’envoi de son projet géant Yamal , avec Novatek et le chinois CNPC, teste d’ores et déjà la question. Le projet gazier n’est pas concerné car les sanctions ne touchent que le pétrole, mais il doit trouver 15 à 20 milliards de dollars (sur un total de 27 milliards) d’ici à la mi-2015. « Nous travaillons activement sur un financement dans une autre monnaie que le dollar, auprès de banques européennes, russes ou chinoises », ont expliqué les dirigeants du groupe la semaine dernière, lors de leur journée investisseurs.

Selon l’IFP EN, les investissements dans l’amont pétrolier en Russie devraient atteindre 57 milliards de dollars cette année, dont 8 % par des compagnies internationales.

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