Matières premières / Afrique : pétrole ou agriculture, les dépendances africaines perdurent selon Cyclope

Un mois après la publication de son 30e rapport Cyclope sur l’état des matières premières dans le monde, le Cercle Cyclope fondé par Philippe Chalmin (le 3e à partir de la gauche sur notre photo) a présenté, le 4 juillet à Paris, son premier rapport Cyclope Afrique, coédité avec le think tank marocain OCP Policy Center, que dirige l’économiste Karim El Aynaoui ..

Les deux partenaires ont ainsi choisi comme titre : « L’Afrique et les marchés mondiaux des matières premières, leurres et lueurs ». Des lueurs, Philippe Chalmin en perçoit dans quelques pays, comme l’Éthiopie, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, dont « les modèles de développement sont moins concentrés sur les matières premières », donc « avec un niveau de développement endogène », bénéficiant aussi de la « relocalisation d’activités ». En revanche pour les autres, encore nombreux, c’est toujours « le cercle infernal de la dépendance » aux matières premières.

Hydrocarbures : un nouveau pôle de développement en Afrique de l’Est

Lors de la présentation du Cyclope Afrique, Francis Perrin (à l’extrême droite sur notre photo), président de Stratégies et politiques énergétiques et directeur de revues spécialisées (Pétrole et gaz arabes, Lettre OAG Africa), dressait un panorama du monde en ébullition des hydrocarbures. Et ce, pour plusieurs raisons :

- De nouveaux pays producteurs et exportateurs émergent ou vont émerger, comme le Mozambique et la Tanzanie dans le gaz, l’Ouganda et le Kenya dans le pétrole, le Sénégal pour les deux. Et donc, aux deux régions traditionnelles de production, Afrique de l’Ouest et centrale (Nigeria, Gabon, Guinée Équatoriale…) et du Nord (Algérie, Égypte, Libye…), allait s’ajouter un nouveau pôle : l’Afrique de l’Est.

- Du coup, les découvertes et les projets dans l’amont et l’aval sont nombreux. Et Francis Perrin de citer l’immense gisement en Égypte de Zhor (30 000 milliards de mètres cubes de gaz offshore). L’Algérie et le Nigeria ont, eux, établi des programmes de développement du raffinage pour répondre à la demande urbaine et exporter.

- Enfin, aux majors internationaux, qui sont tous présents en Afrique, s’ajoutent maintenant de nouveaux acteurs, comme Qatar Petroleum entré au début de l’année au Maroc.

Métaux et minerais : une forte volatilité des cours attendue

Dans l’énergie comme les matières forestières, estimait Évariste Nyouki, responsable de la Recherche économique d’Engie Global Markets, « la transformation locale va devenir un débouché naturel, car les marchés internationaux sont saturés et les besoins sont réels sur le continent ». Les débouchés nationaux seraient d’autant plus importants que la démographie y est galopante et que leur exploitation permettrait « de rendre les États moins sensibles en cas de crise internationale ».

Le manque d’électricité est, toutefois, un handicap majeur. Pas seulement la production électrique et pas seulement celle du grand barrage d’Inga en République démocratique du Congo, mais aussi le transport. Le solaire peut se développer plus facilement dans certains pays comme le Maroc et le Sénégal, mais peut-être moins facilement ailleurs. Le moins cher est l’hydroélectricité. « Mais dans l’hydroélectricité comme le solaire, le problème, c’est l’investissement », faisait remarquer Francis Perrin, qui prône l’adoption d’une « démarche régionale » et la mise en place de « mécanismes financiers », les deux « manquant » à l’heure actuelle, regrettait-il encore.

Si la chute passée des cours du pétrole est loin d'être comblée, ce n’est pas le cas pour les métaux et minerais, qui, après une baisse de plus de 40 % en 2015 de certains d’entre eux, ont bénéficié d’un fort rebond des prix. « C’est un rebond en trompe l’œil, du à la baisse de l’offre, et je crains pour cette année une forte volatilité des cours », confiait ainsi Yves de Jegourel (1er à gauche sur notre photo), maître de conférences à l’université de Bordeaux et senior fellow à l’OCP Policy Center.

Il y a de la spéculation et, pour le minerai de fer par exemple, les cours sont loin de leurs pics de 2011, ce qui explique que le géant Rio Tito vienne tout juste d’annoncer une pause dans l’investissement géant de 20 milliards de dollars annoncé pour le programme d’infrastructures et de la mine de Simandou en Guinée. Compte tenu des sommes nécessaires, « l’enjeu est aussi pour ces pays de favoriser le développement d’infrastructures bancaires pour accéder aux marchés internationaux », faisait encore valoir Yves de Jegourel.

« Quelle est la capacité de l’Afrique à se nourrir ? »

Enfin, si l’Afrique est producteur et exportateur d’une multitude de matières premières (coton, cacao, café, bois, métaux pour les nouvelles technologies…), elle est aussi un importateur net de certains produits, a conclu Philippe Chalmin, « considérable s’agissant des céréales, peu important pour les graines oléagineuses, relativement important pour le riz dont elle est le premier importateur mondial avec un tiers des volumes ».

L’Égypte est ainsi le premier acheteur planétaire de blé. Et la consommation de riz et de blé augmente. En 2015-2016, toute l’Afrique a souffert de la sécheresse. Du coup, l’Éthiopie a importé cinq millions de tonnes de blé, l’Afrique australe a acheté du maïs, mais l’Afrique du Sud ne pouvait plus fournir la région. « D’où la question simple et évidente : quelle est la capacité de l’Afrique à se nourrir ? », a lancé le fondateur de Cyclope. Intensifier la production, mais à quel prix ? Y a-t-il tant de nouvelles terres à cultiver ? Pas au rythme de la démographie galopante. La déforestation serait alors la seule issue ? Des questions qui sont encore loin d’avoir trouvé leurs réponses.

source le moci.com

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