(CercleFinance.com) - Alors que Bureau veritas doit publier ce soir son chiffre d'affaires pour le premier trimestre 2010, le directeur général délégué du groupe, François Tardan, répond aux questions de CercleFinance.

CercleFinance: Bureau Veritas affiche son intention de relancer activement sa stratégie de croissance externe. Quels types de cibles comptez-vous privilégier en termes de taille, de secteur d'activité ou de région géographique?

François Tardan: La croissance externe est effectivement l'une de nos priorités stratégiques. Ces dix dernières années, Bureau Veritas a intégré avec succès plus de 70 sociétés, représentant un chiffre d'affaires additionnel de plus de 850 millions d'euros. Nous avons acquis un véritable savoir-faire dans la sélection, la négociation et l'intégration des acquisitions.

En 2009, nous avons suspendu ces opérations, compte-tenu de l'environnement économique difficile. Les conditions étant plus favorables, le groupe relance activement cette politique. Nous recherchons à la fois des petites sociétés réalisant un chiffre d'affaires inférieur à 10 millions d'euros et d'autres plus importantes, générant jusqu'à 200 millions d'euros de revenus.
Nous visons des sociétés dont les activités peuvent compléter notre portefeuille de services avec de nouvelles compétences ou encore renforcer notre présence dans certains pays, où nous avons un potentiel de développement. En termes d'activités, nous souhaitons notamment nous renforcer dans deux métiers : celui des analyses et des tests de matières premières comme le pétrole, le charbon, les métaux et les matières premières agricoles et celui de l'inspection des infrastructures industrielles, en particulier dans le nucléaire, l'électrique conventionnel, le pétrole ou le gaz.

La plupart des marchés sur lesquels intervient le groupe sont très fragmentés. Il existe plusieurs centaines d'acteurs locaux ou régionaux spécialisés par marché ou par type de services. Nous estimons que le mouvement de consolidation de notre industrie va s'accélérer au cours des deux prochaines années. Beaucoup d'acteurs de taille moyenne peuvent désormais ressentir le besoin de rejoindre une entreprise de taille mondiale, comme Bureau Veritas, pour développer leurs activités. De notre côté, nous avons plus de synergies à exploiter qu'auparavant, à travers ces opérations, car nous avons déjà une gamme de services très large et une forte présence géographique. En outre, notre forte génération de trésorerie nous permet d'autofinancer des acquisitions.


CF: La crise financière a fortement impacté les échanges internationaux, dont le développement a contribué à la croissance de Bureau Veritas. Une éventuelle montée des mesures protectionnistes dans le monde pourrait-elle affecter la croissance du groupe?

FT: L'année 2009 a été atypique. Nous pensons que les facteurs structurels de croissance de notre secteur d'activité, celui des essais, de l'inspection et de la certification, sont intacts et devraient ramener la croissance vers des niveaux historiques.
La globalisation des échanges et des marchés ainsi que la délocalisation des activités de production vers les zones à faibles coûts contribuent effectivement fortement au développement de nos activités. En effet, ils génèrent des besoins croissants de services d'inspection et de vérification de la qualité des produits échangés et du respect des règles en matière de santé, sécurité et environnement lors de la fabrication des produits ou de la réalisation d'installations.

Il en résulte que la croissance du commerce international a été historiquement, depuis les années 1980, supérieure de deux à trois points à la croissance économique mondiale. Certes, à l'exception de l'année 2009, durant laquelle le commerce international a connu une chute de plus de 10%. Cependant, les organisations internationales telles que l'OMC prévoit un fort rebond du commerce mondial dès 2010.

Je pense qu'une éventuelle montée des mesures protectionnistes, hypothèse qui reste à démontrer, n'affecterait pas significativement nos activités. Nous ne sommes pas totalement dépendants du commerce mondial, car nous réalisons une grande partie de nos activités sur les marchés locaux, à travers notre réseau très étendu d'implantations dans 140 pays et nous sommes davantage positionnés sur l'évaluation des actifs fixes, tels que les installations industrielles ou les bâtiments, que sur les essais de produits. D'autre part, il existe d'autres facteurs favorables à notre développement. Quels que soient les marchés de destination, locaux ou internationaux, les biens de consommation, les installations industrielles ou les bâtiments, continuent de répondre à des normes et réglementations et doivent être contrôlés ou certifiés. Nous observons une tendance mondiale au renforcement réglementaire et une attention aux questions de qualité, la sécurité et l'environnement qui ne cesse de s'accroître, malgré la crise et quel que soit le dynamisme du commerce mondial. Ainsi en 2009, année de forte décroissance du commerce international, nous avons eu une forte croissance de notre division Biens de Consommation, générée par une forte demande de tests analytiques en provenance des grands distributeurs américains confrontés à l'application de nouveaux standards de sécurité des produits imposés par le ' Consumer Product Safety Improvement Act '.

A la globalisation et au renforcement des réglementations, s'ajoutent encore deux leviers de croissance structurels pour l'activité de Bureau Veritas : les tendances à l'externalisation et à la privatisation.
Les entreprises externalisent de plus en plus leurs activités de contrôle et d'inspection à des sociétés spécialisées. En ayant recours à des entreprises telles que Bureau Veritas, qui disposent d'experts, du savoir-faire et de méthodologies homogènes à travers le monde, elles peuvent améliorer leur maîtrise des risques sur l'ensemble de leurs implantations internationales, à un moindre coût.
Enfin, les autorités publiques ont une tendance croissante à déléguer leurs activités de contrôle à des sociétés privées, plus réactives et disposant d'un réseau d'experts. Par exemple, les autorités japonaises ont décidé de privatiser les activités de revue de conformité des permis de construire au code de l'urbanisme pour les nouvelles constructions, ouvrant ainsi un nouveau marché sur lequel le groupe s'est implanté.


CF: Quelles perspectives de développement ouvrent, pour Bureau Veritas, la place grandissante des préoccupations environnementales depuis quelques années?

FT: Les initiatives liées au développement durable et plus particulièrement à la protection de l'environnement représentent un moteur de croissance très important pour Bureau Veritas, dans tous les secteurs, de la marine, aux biens de consommation, en passant par le bâtiment et l'industrie. Il s'agit par exemple d'aider nos clients armateurs à construire de nouveaux navires, qui consomment moins de fuel, soient équipés de dispositifs de récupération du pétrole pour minimiser l'impact d'éventuelles marées noires et des navires plus facilement recyclables. Dans le bâtiment, il s'agit non seulement de construire des bâtiments ' verts ' mais aussi d'améliorer les performances énergétiques des bâtiments existants. Dans l'industrie, les mesures d'émissions polluantes, d'efficacité énergétique sont de plus en plus drastiques et nous voyons se développer l'investissement dans des projets d'installations de production d'énergies renouvelables, notamment dans l'éolien. Enfin, les biens de consommation sont soumis à de plus en plus de réglementations, en particulier pour limiter l'utilisation de produits chimiques dans leurs composants. Cette tendance de fond traverse donc toutes nos activités, dans toutes les régions du monde. Elle est portée par l'accroissement des réglementations mais aussi par les démarches volontaristes des entreprises. Partout dans le monde, les entreprises manifestent de plus en plus le besoin de consommer moins d'énergie, de faire la preuve de leur comportement éco-responsable, et choisissent de faire certifier leurs activités conformément aux nouvelles normes environnementales, dans le cadre d'une démarche volontaire.

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