Cacao ivoirien : dernières nouvelles du front
24 août 2010Malgré une hausse des cours liée à une baisse régulière de la production, l’économie ivoirienne ne profite guère de cette tendance. Etat des lieux d’une activité qui souffre de problèmes structurels récurrents.
Dans quel état le secteur se trouve-t-il ?
La saison 2008-2009 (1 221 621 tonnes de production) a été la pire en cinq ans. Nous sommes en ce moment à la fin de la récolte principale de la saison 2009-2010 et, malgré les conditions climatiques favorables, le scénario de l’année dernière semble se reproduire plus ou moins. Entre octobre et mars, la production mise en vente est d’environ 900 000 tonnes. Jan Vingerhoets, directeur exécutif de l’Organisation internationale du cacao (ICCO), prévoit que la « petite récolte » sera d’environ 310 000/320 000 tonnes, tandis que les estimations des exportateurs sont plus faibles.
Mais toute estimation de la production doit prendre en compte la contrebande. Environ 10% de la production ivoirienne est récoltée en zone Centre-Nord-Ouest (CNO, contrôlée par les Forces
nouvelles), d’où elle est exportée via le Burkina Faso et le Togo. Ainsi, durant la saison 2008-2009, le Togo a exporté environ 60 000 tonnes, là où sa production propre n’est que de 5 000
tonnes…
D’une certaine manière, cette perte a été compensée par l’arrivée en territoire ivoirien de cacao ghanéen de contrebande. Malgré le déploiement des forces de sécurité ghanéennes le long de la
frontière, environ 100 000 tonnes de fèves se seraient retrouvées en territoire ivoirien. Le cours actuellement en vigueur au Ghana (822 FCFA le kilo) est bien en dessous du prix plancher en Côte
d’Ivoire (910 FCFA). D’un point de vue purement fiscal, la contrebande représente un bénéfice certain pour l’économie ivoirienne, mais elle sert aussi à masquer ce qui s’apparente à de sérieux
problèmes structurels dans le secteur cacao en Côte d’Ivoire.
A quand les réformes ?
Les compagnies chocolatières en sont frustrées ; le mécanisme des prix est censé stimuler l’offre. Cette année, entre décembre et février, le prix moyen bord champ aux producteurs était de plus de 1 000 FCFA. Les raisons de cette augmentation sont à rechercher majoritairement en dehors de la Côte d’Ivoire, mais la baisse des taxes et prélèvements dans le pays a aidé à obtenir ce résultat. Les prélèvements ont baissé de 16% cette saison (26,26 F/kilo), quand le Droit unique de sortie (DUS) est passé de 220 à 210 FCFA, et la taxe d’enregistrement a baissé de 5% alors qu’elle avait augmenté de 10% en 2008-2009.
Du coup, les prix sont élevés pour l’instant mais la Côte d’Ivoire ne peut pas grand-chose pour capitaliser sur cette tendance. De son côté, le Ghana continue d’améliorer sa production. Des
réformes vitales sont indispensables mais elles demandent d’importantes ressources politiques, et les solutions à long terme devront sans doute attendre la tenue des élections.
Jean-Jacques Yao
Source LE BLOG DE L'ECONOMIE DGE