Contrôle du circuit cacao par l’Etat – Les industriels s’interrogent sur la capacité de Laurent Gbagbo à procéder à des ventes
19 mars 2011Alors que les violences et les combats se multiplient avec quelques 450 000 déplacés, Laurent Gbagbo a signé lundi 7 mars 2011 un décret qui fait de l’achat du cacao et de son exportation une prérogative des pouvoirs publics. “Les exportations de produits issus du secteur du café et du cacao seront du ressort de l’Etat, de ceux mandatés par l’Etat, ou de titulaire d’un permis d’exporter conforme aux dispositions déterminées par le décret”, a annoncé la radiotélévision ivoirienne. Une décision qui fait suite à celle prise quelques jours avant la nationalisation des banques. Depuis le 24 janvier, suite à l’appel d’Alassane Ouattara, les fèves de cacao ne sont plus exportées. Selon la Bourse du Café et du Cacao, les stocks de cacao non exportés s’élèveraient dans les ports à 475 345 tonnes. Les industriels s’interrogent pour savoir si ce décret prend en compte les stocks de cacao entreposés et s’ils seront ainsi saisis. “Si le décret n’affecte pas nos stocks existants, cela pourrait être moins dramatique. Mais si c’est le cas, c’est une catastrophe», a déclaré à Reuters une source du secteur ivoirien. Au prix du marché, qui sont à un sommet de près de 32 ans, la valeur des stocks représenterait environ $1,8 milliard et en volume environ 1/3 de la récolte annuelle. Par ce décret, Laurent Gbagbo veut remettre la main sur la principale source de revenu du pays, nécessaire pour payer les salaires du secteur public et de l’armée. Mais les industriels estiment que le quasi-effondrement du système bancaire local et les exigences logistiques inhérentes à l’acheminement des fèves pourraient contrecarrer les ambitions de faire de l’Etat le seul acheteur et exportateur du cacao.
”Le problème est de savoir comment ils vont payer les producteurs étant donné que le pays n’a guère de banques ou d’argent?”, s’interroge une source du secteur ivoirien. Une
autre source s’interroge que la capacité de l’Etat de gérer le transport, le conditionnement et le stockage des fèves avant même avant l’exportation. «De loin, tout semble
facile. Mais il y a une énorme machine derrière chaque kilo de cacao qui arrive au port. Le gouvernement a-t-il le temps, les moyens et les effectifs de faire le nécessaire dans le
temps impartit ? Selon le décret lu à la télévision d’Etat , l’État achètera les fèves aux producteurs à un prix fixé et pourrait alors chercher à les vendre sur les marchés
mondiaux, en remplaçant le rôle des exportateurs qui ont largement suivi l’appel Alassane Ouattara à suspendre les livraisons. ”Il (Gbagbo) est évident qu’il soit dans une
position difficile et fait certainement monter les enchères”, a déclaré Jonathan Parkman de Marex. «Il exerce une pression sur les exportateurs … Ils sont entre le marteau et
l’enclume.” Les enjeux sont élevés étant donné le risque de la détérioration de la qualité des fèves non exportées si elles restent dans les entrepôts. ”Les entrepôts ne sont
pas suffisamment ventilés pour garder les fèves pendant des semaines. Elles peuvent y rester 10 jours au plus et elles y sont depuis 15 à 20 jours, la qualité devient un problème et
c’est notre principale préoccupation”, indique la deuxième source. En fin de compte, même si Laurent Gbagbo réussit à surmonter tous ces défis, la question demeure de savoir qui
va acheter le cacao. Les gouvernements occidentaux ont fait pression sur les multinationales afin d’éviter toute transaction qui pourrait financer Laurent Gbagbo. Les analystes
estiment que les marchés chinois et russe représentent à peine 50 000 tonnes par an chacun. ” Laurent Gbagbo ne sera pas en mesure de le vendre, car aucune des multinationales
ne peut y toucher.”
Source: Commodafrica.com