Côte d'ivoire - Comment le secteur du bois a été sinistré
19 mai 2010Le secteur du bois a connu une descente aux enfers avec l’avènement de la crise financière. Les acteurs du secteur sont confrontés à des difficultés, les scieries ferment les unes après les autres et le chômage s’est installé dans le milieu.
L’industrie du bois est fortement sinistrée à cause, essentiellement, de la crise financière internationale et de la raréfaction de la matière première. Estimées à moins de 3 millions d’hectares, les ressources ligneuses, 3è ressource importante après le café et le cacao aux lendemains des indépendances, sont de plus en plus insuffisantes pour alimenter le flot de scieries réparties sur l’étendue du territoire ivoirien. Cette situation affecte les acteurs de la filière aux plans de la productivité, de l’emploi. Et partant, l’Etat qui ne peut plus percevoir ses taxes et impôts. Les raisons évoquées pour expliquer cette mauvaise santé économique de l’industrie du bois sont en grande partie liées à deux facteurs essentiels. Au plan extérieur, la crise financière internationale a frappé de plein fouet l’industrie du bois. A en croire le Directeur de la production et des industries forestières (Dpif), du ministère de l’Environnement, des Eaux et Forêts, Oualou Kollou Beausséjour, à cause de la crise de l’immobilier, la majorité des entreprises de transformation du bois ont souffert d’un ralentissement d’activités, voire d’une cessation pure. Car, dit-il, c’est à l’export qu’elles font l’essentiel de leur chiffre d’affaires. Le marché étant fermé en Europe et aux Etats-Unis, cela a entraîné une baisse des activités et la fermeture de certaines usines. «Les banques, face à la crise, se sont vues dans l’impossibilité de prêter aux opérateurs immobiliers qui, par conséquent, ne peuvent plus passer de commande, étant entendu que le bois occupe une place importante dans l’industrie immobilière en Europe », a expliqué l’expert. En Côte d’Ivoire, l’activité du bois est extravertie. 90% de l’industrie avant la crise était destinée à l’extérieur et seulement 10% partait sur le marché local. D’où l’impact de la crise. Les conséquences dans une telle situation ne se sont pas fait attendre. Plusieurs villes de la Côte d’Ivoire, réputées pour leur poids dans le secteur du bois, notamment Gagnoa, Guiglo, Duékoué, ont durement encaissé le coup. A San Pedro, deuxième ville portuaire de la Côte d’Ivoire, le conglomérat d’usines de transformations de grumes et l’implantation d’un parc à bois (Sepba) dans l’enceinte du port restent l’un des signes d’un passé de prospérité pour la filière bois dans le Bas-Sassandra. Il faut noter que l’exploitation forestière qui vient en amont de l’activité industrielle et de l’exportation est devenue très contraignante. Non seulement il est difficile de se procurer certaines essences, telles que l’iroko, l’acajou, le samba, le bété, l’agnégré, le fromager, recherchées par les usiniers mais aussi, il faut avoir une grande capacité financière pour financer tout en payant au comptant. Selon Diaby Amadou, scieur à Abengourou, cette étape est cruciale pour nombre d’usines car elle exige des sorties de liquidités. «Quel que soit le mode d’exploitation du site (périmètre, bloc Sodefor, enclaves, ramassage de grumes, conventions villageoises), toutes les transactions se font au comptant. « Avec la crise de l’immobilier, les entreprises sont tenues de fonctionner sur fonds propres. Ce qui n’est pas donné quand on sait que la bille coûte en brousse au bas mot 60.000 Fcfa. Pour 500 billes, il faut débourser 30 millions Fcfa », explique Gueu Dienot Gilles, Directeur administratif d’African Industries, par ailleurs, Secrétaire général adjoint du syndicat national des producteurs et industriels de bois. Même ceux qui ont une grande surface financière, ponctue-t-il, voient leur productivité baisser car la demande de grumes est plus forte que le volume déchargé sur les parcs. Conséquence : dégraissage du personnel, chômage technique, licenciement. Pour Gueu Gilles, ce sont 50.000 emplois directs que génère le secteur du bois au plan national. A San Pedro, chaque scierie, selon lui, emploie en moyenne 150 personnes.
La descente aux enfers
Ces derniers temps, ce sont 25 à 30% d’emplois qui ont été supprimés. Selon le Dpif du ministère de l’Environnement, c’est à la mi-2008 que la crue de vague a été accentuée provoquant la perte de 40. 000 emplois indirects et 25.000 emplois directs dont 15.000 dans l’industrie forestière. Au premier impact de la crise survenu en fin 2008, ce sont 6 000 emplois qui ont été suspendus. Dans le courant du premier semestre 2009, on était entre 8.000 et 9.000 pertes d’emplois dans le secteur. Dans cette grisaille, les entreprises qui écoulent leurs produits sur les marchés sous-régionaux tirent leur épingle du jeu, non sans difficultés. A celles-là, il faut ajouter celles qui fonctionnent avec du bois de la Sodefor. C’est le cas de Wood ivoire qui transforme « le cedrela » et d’autres les tecks. Naturellement, l’on voudrait voir les structures en charge du bois prendre des mesures de redressement. Comme solutions palliatives, il faut, selon les opérateurs de la filière, mettre sur place une véritable politique de reboisement et autoriser les industriels à importer des grumes des pays limitrophes mais aussi à rouvrir le marché européen. Les structures en charge du secteur, a souligné, Oualou Kollou Beausséjour, sont en à pied d’œuvre pour redonner un souffle à l’industrie du bois.
Kuyo Anderson
Collaboration Dosso Moulaye