Présentées par les gouvernants comme la réponse à la paupérisation du monde agricole, les coopératives dans la filière café-cacao ont connu un boom ces dix dernières années. Mais, curieusement, les résultats, visant à améliorer les conditions de vie des producteurs, ne sont guère probants.

 

3cabossesUn phénomène assez répandu dans les zones de production de café cacao. « (…) A Anyama, le Fdpcc a identifié trois coopératives dans un immeuble. Au rez-de-chaussée, il y a le siège de la coopérative du père de famille, en réalité, commerçant de cola. Au premier niveau, le siège de la coopérative de la fille cadette, qui n’est autre qu’une commerçante de fruits et légumes au marché d’Anyama. Le siège de la coopérative du fils aîné, qui est en réalité, apprenti chauffeur se situe au deuxième niveau de l’immeuble. Et pourtant ces trois coopératives sont régulièrement constituées et donc éligibles aux actions du Fdpcc (…) », avait déclaré, désabusé, Henri Amouzou, puissant président du Fonds de développement des activités des producteurs de café-cacao(Fdpcc) in Fraternité Matin des 4 et 5 septembre 2004. A l’époque, l’on parlait d’environ 1000 coopératives dans la filière. Amouzou avait été accusé d’avoir détourné 18 milliards Fcfa du fait que, selon ses détracteurs, le Fdpcc les a distribués à des coopératives fictives et les producteurs à la base n’ont reçu aucun centime de cette manne financière.


Selon des sources introduites sous les vergers de caféiers et de cacaoyers, les dirigeants des coopératives fictives sont peu scrupuleux. Les Pca, Directeurs généraux, commissaires aux comptes, comptables n’ont pas bonne presse auprès des producteurs. Qui les accusent d’user de magouilles pour les spolier du fruit de leur labeur. Ainsi, a-t-on appris que pour faire main basse sur les dividendes générés par la cacaoculture, les « intellectuels » qui ne « savent rien des peines et des déboires des paysans » contournent les procédures en la matière pour constituer les coopératives fictives. Ils soudoient les structures étatiques chargées de délivrer les agréments.


« Pour monter les dossiers, il faut s’adresser à l’Anader, au ministère de l’Agriculture, à l’Arcc, au Fdpcc. Les deux premières s’assurent que chaque coopérateur dispose, effectivement d’un champ et les encadrent aux techniques de la vie coopérative », explique Yao Kra II, Pca de Coopalba, dans la sous-préfecture de San Pedro. Et de poursuivre : « Après cette étape, l’Anader convoque une assemblée générale constitutive à l’issue de laquelle les dirigeants sont395f545e-59ed-11df-9b67-8f86e8c608f5 désignés. » Toujours selon Kra II, la nouvelle coopérative doit se mettre au travail pour remplir les conditions d’obtention de l’agrément. Composée d’agents de l’Anader, du Minagri et de la préfecture, la commission d’agrément, à l’issue d’une enquête administrative (concluante), délivre l’agrément à la coopérative. Pour bénéficier des fonds et autres avantages du Fdpcc, les coopératives doivent justifier leurs activités en achetant et en vendant.

 

Les manœuvres de l’escroquerie.

Vu que les coopératives fictives ne revendiquent aucun vrai producteur, leurs dirigeants, selon des sources proches des multinationales exportatrices de café-cacao, négocient avec des pisteurs et sous-traitants pour que ces acheteurs bord champ acceptent de décharger au nom de leurs coopératives chez l’exportateur. Cette magouille, précisent-elles, profitent aux deux parties. Le traitant, lui, échappe au taux d’imposition de 2.5% prélevé sur le kilo. Les coopératives fictives, elles, augmentent « leur tonnage » qui, à la fin de la campagne, va leur donner droit à des primes. Ces avantages sont, notamment, les primes de la campagne calculées sur la base de 40Fcfa/kg, la prime d’exportation aux Coopex reversées par le Fdpcc. Et la gratification d’encouragement donnée par l’exportateur, elle, avoisine les 50Fcfa/kg si le cacao est de très bonne qualité. « Ces primes, si elles sont reversées aux producteurs vont régler beaucoup de problèmes. Que nenni ! Les coopératives fictives qui sont les créations des barons de la filière, des hauts commis de l’Etat se les partagent au détriment de la masse qui manque de tout », nous a-t-on confié. Dans cette veine, les producteurs de Coopalba réclamaient il y a peu à Anoh Gilbert président du Comité de gestion de la filière café cacao (Cgfcc) la prime de 80 millions Fcfa et des produits phyto pour, disaient-ils, préparer la campagne, se soigner et scolariser leurs enfants. Ce dernier ne manque pas de dénoncer cette montée en puissance des Ong fictives dans la filière et refuse de « dilapider l’argent des paysans à des structures qui ne sont pas représentatives d’eux ». Une thèse battue en brèche par Boa Bilé, président des agriculteurs de Côte d’Ivoire, qui estime que cette mesure de vouloir sévir contre des « soi-disant Ong fictives punit les pauvres paysans ».


Conséquence, des paysans n’hésitent pas à hypothéquer leurs plantations, rien que pour évacuer un parent malade. Même dans les coopératives bien structurées, les producteurs n’échappent pas à la cupidité de leurs responsables. L’astuce consiste à monter des projets bidon. En plus de se fixer des salaires gratifiants, ils (dirigeants Ndlr) font miroiter des projets de construction d’unité de conditionnement, d’assurance maladie, de postes fictifs, de voyages de prospection à l’extérieur etc. A la fin de chaque exercice, les bénéfices de certaines unions de coopérative dont le chiffre d’affaires avoisinent le demi milliard, se situent entre 2 à 5 millions Fcfa .

 

Dosso Mourlaye
Correspondant régional.
Source L'EXPRESSION

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