INDUSTRIE-CHINOISE2.jpgJe ne suis pas arrivé depuis assez longtemps en Chine pour avoir noué des liens étroits avec le gouvernement de la Banque de Chine, ni même avec le ministre des Finances. Et je dois avouer avoir quelques difficultés à discuter avec mon vendeur de légumes à côté de chez moi... pourtant l'optimisme autour de la croissance chinoise ici contraste particulièrement avec nos visions alarmistes en Europe ou aux Etats-Unis.

 

Invariablement, lorsque je pose une question sur la santé de l'économie chinoise ici, on me répond qu'elle est bonne, et qu'il faut être confiant. Intoxication médiatique me direz-vous ?

Ce n'est pas à exclure. Ce matin encore, le Daily China titrait "Le Premier ministre s'engage pour stabiliser la croissance". Nulle trace ici d'atterrissage brutal de l'économie, le gouvernement est aux commandes, dormez tranquille braves camarades. D'ailleurs le quotidien rappelait hier encore que la Chine avait un des taux de chômage les plus bas d'Asie.

 

Mais une fois dépassée une réticence naturelle à croire ce que l'on me dit dans un pays communiste, certaines déclarations m'ont réellement laissé songeur. Ce fut le cas lorsque j'ai rencontré le patron d'Agora Chine il y a quelques jours. En parlant de l'état de l'immobilier dans le pays, Fred Hsu m'a assuré qu'au quotidien, il constatait peu de signe de ralentissement. "On entend parler de la baisse de l'immobilier, mais personnellement, je ne vois aucune baisse des prix. Les prix vont continuer à monter, simplement moins rapidement".

 

Pourtant Fred n'est pas un apparatchik du parti. Il est, comme il me l'avait rappelé lors de notre première rencontre, un "American born chinese", un Américain d'origine chinoise. J'ai retrouvé ce type de réaction plusieurs fois depuis que je suis ici.La part d'intoxication médiatique explique en partie cet optimiste. Mais en partie seulement. La réalité est qu'ici, tout le monde considère le ralentissement actuel comme passager.

 

Les commentateurs s'inquiètent de la Chine
Habitués à devoir lire entre les lignes, les commentateurs occidentaux ont fait des gorges chaudes des dernières mesures économiques chinoises.

 

Ce fut d'abord une baisse des taux d'intérêt de la Banque centrale chinoise (BPoC) annoncé en mai dernier. Une deuxième baisse de 31 points est intervenue ce mois-ci. Selon les analystes de Crédit Agricole CIB, les banques vont pouvoir prêter jusqu'à 30% moins cher que les taux directeurs. En parallèle, le gouvernement a ouvert un peu plus grand la porte aux investisseurs étrangers en atténuant les règles du QFII (règles encadrant les investissements étrangers) et a accueilli un peu plus le marché de Shanghai.

 

Pour les analystes de tous bords, ces différentes mesures, qui rappellent les heures sombres de 2008, sont le signe que la Chine est sur le point de s'effondrer.

 

L'Etat assurera un atterrissage en douceur
Je ne crois pas que la Chine va atterrir brutalement comme le laisse penser des analystes comme James Chanos. Les prêches apocalyptiques de cet économiste américain prédisent depuis des années l'explosion prochaine des finances publiques et de l'immobilier chinois, équivalente à "des milliers de fois celle de Dubai".

 

Pourtant l'Etat a largement les moyens d'éteindre une crise financière grâce à ses réserves de changes de 3,2 milliards de dollars. Et je rappelle que la dette de l'Etat n'est que de 50% du PIB. Surtout, ces mesures entreprises depuis deux mois répondent à la faiblesse des partenaires commerciaux de la Chine, et non à une faillite du moteur chinois. Je rappelle que les exportations vers l'Union européenne sur les six premiers mois de l'année n'ont progressé que d'un chétif 0,7%, et celles vers le Japon ont même régressé, de 0,2%.

 

Le vrai risque n'est pas financier
Si les finances chinoises restent un sujet d'inquiétude, je ne pense pas que ce soit le principal problème de l'économie. Le plus inquiétant, c'est la contestation du modèle économique actuel par la société.
Si l'objectif reste la croissance, elle ne peut plus être atteinte à n'importe quel prix.

 

Source "Edito des Matières Premières"

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