La Chine est-elle en faillite ? (II)
13 juil. 2012Bien sûr, le début de la croissance date sur cette pièce de 1949, année de l'arrivée du pouvoir du parti communiste. Dans un pays où une des principales visites touristiques est d'aller verser une petite larme sur le tombeau de Mao Zedong place Tian'anmen, c'est compréhensible.Si la croissance reste l'objectif le plus important du gouvernement, un changement de modèle est pourtant en cours. Car les excès de la croissance de ces 30 dernières années sont de plus en plus dénoncés, avec le soutien d'une partie du gouvernement.
L'avertissement de Wukan
C'est le message que le Premier ministre Wen Jiabao veut faire
passer actuellement. La croissance a créé trop d'inégalités et a ouvert la porte à la corruption. Cette prise de conscience n'arrive pas toute seule.Les événements récents de Wukan, dans le Guangdong, dans le Sichuan, dans le Liaoning, à Dalian, et plus récemment à
Shifang, ne laissent pas de doutes sur une montée des tensions. C'est chaque fois le même scénario : la population se mobilise contre un projet des autorités, en dénonçant la corruption, les
atteintes à l'environnement, ou les abus d'autorité. Parfois, l'exécutif tombe, comme à Wukan.
La pression semble si forte que Pékin entrouvre même la porte à la critique. Si les quelques personnes que j'ai rencontrées ne connaissent pas la réalité du "bond en avant" de Mao, ni le sort de contestataires chinois comme Liu Xiaobo et Ai Weiwei, elles sont intarissables sur les inégalités en Chine et la corruption des hommes politiques.
Le gouvernement reste sur le fil du rasoir
Sentant le vent du boulet, les autorités de Pékin
voudraient réorienter la croissance. Encore une fois, cela passe par une lente ''pédagogie'' médiatique. Récemment, la sortie d'une biographie de Deng Xiaoping, le père de la croissance chinoise,
a donné prétexte à un journaliste du China Daily de faire ce commentaire "cela fait 30 ans que Deng a lancé ses réformes, et de nouveaux problèmes se posent actuellement [...] les
autorités ont réalisé que la croissance à deux chiffres du PIB qui a été maintenu pendant 20 ans [...] va affecter la vitalité de l'économie si elle continue".
Le problème, c'est qu'une réorientation de la croissance signifie une baisse de la croissance. La contestation actuelle, provoquée par les inégalités sociales, pourrait se voir paradoxalement exacerbée par une baisse du taux de croissance sous les 7,5%. Les économistes affirment qu'un passage en dessous de ce seuil signifierait le début d'une destruction d'emplois. Or c'est précisément les prévisions de croissance du gouvernement pour cette année.
Pour éviter de tomber plus bas, le gouvernement vient de lancer plusieurs plans de relance dans l'urgence. Le modèle de l'investissement à outrance va ainsi perdurer quelques trimestres de plus, charriant son cortège d'inégalités avec lui.
La direction est claire mais le chemin est étroit
Une des pistes qui s'impose pour
rééquilibrer la croissance chinoise concerne bien évidemment la baisse des investissements. La banque Nomura analysait récemment que le taux d'investissement était au-dessus des 40% depuis 10
ans, et au-dessus de 50% depuis deux ans. Jamais aucun pays au même stade de développement n'avait atteint ce seuil.
Ainsi, le centre d'analyse Gavekall a prédit récemment que le gouvernement pourrait viser à long terme un objectif de 36% de taux d'investissement. La consommation intérieure pourrait ainsi prendre le relai. Les deux obstacles actuels seraient alors surmontés : la croissance serait réorientée vers la société, et la dépendance envers l'étranger réduite.
Toutefois le flou domine encore largement. Si la relance actuelle va maintenir à flot le système, à long terme, personne ne sait vraiment ce que va faire le gouvernement. La succession du duo Hu Jintao-Wen Jiabao, normalement prévue pour octobre prochain, semble fortement contestée en interne. Le pire scénario étant de voir arriver à la tête de l'Etat un nouveau duo aux pouvoirs affaiblis.
Mon conseil : laissez passer la tempête
A court terme,
les différentes mesures de relance vont profiter aux grandes entreprises d'Etat, les fameuses SOE. Les liens incestueux entre dirigeants et ces grandes compagnies ont d'ailleurs
éclaboussé la toile ces derniers jours. Fin juin, Bloomberg a révélé la listes des intérêts économiques de Xi Jinping, le futur président pressenti à la tête de l'Etat, ainsi que sa fortune de
plus de 300 millions de dollars (Bloomberg n'est plus accessible en Chine depuis).Pourtant les risques
d'un excès de capacités, notamment dans la sidérurgie, pourrait déprimer encore plus les cours du secteur. Je me méfierais des leaders comme Baosteel.
Je vous conseille au contraire de regarder du côté de l'or. La baisse des taux d'intérêt va pousser les épargnants chinois à placer leur argent sur des actifs plus sûrs. Comme le rappelle ce matin Philip Klapwijk, responsable du pôle métaux chez Thomson Reuters GFMS, "la Chine est attendue pour devenir le premier marché de l'or pour la consommation d'ici la fin de l'année".
Source "Edito des Matières Premières"