Entretien avec Philippe Chalmin, Enseignant à l’Université Paris-Dauphine et responsable de Cyclope, publication qui aborde l’analyse de l’ensemble des marchés mondiaux de matières premières .

 

La crise est-elle terminée pour les matières premières et assiste-t-on à la poursuite du « supercycle » ?

Je n’ai jamais cru au « supercycle ». La crise économique et bancaire de 2008- 2009 a été un à-coup majeur sur les marchés, les prix ont depuis regrimpé à un niveau proche de celui où ils étaient avant leur chute.

 

Le puissant rebond des cours depuis un an correspond-il bien à l’amélioration des fondamentaux ?

Outre la croissance de la demande chinoise, ce rebond a été en partie provoqué par l’affaiblissement du dollar, monnaie dans laquelle la quasi-totalité des prix des matières sont exprimés. Les cours ont également bénéficié des achats de fonds désireux de diversifier leurs investissements et de se garantir contre les risques liés au dollar ou à un retour de l’inflation et d’un effet d’aubaine spéculatif.

 

Quel a été le rôle de la Chine dans la reprise de la demande de commodités ?

Le sous-titre de la dernière édition de Cyclope, «  la Renaissance du Palais d’été », illustre bien l’importance de la Chine pour les marchés de matières premières. Mais les marchés souffrent d’un déséquilibre car ils ne sont tirés que par ce seul moteur, la Chine. La demande des pays occidentaux reste poussive, particulièrement en Europe. La sidérurgie occidentale pourra-t-elle supporter une hausse du prix du minerai de fer provoquée par la seule demande chinoise ?

 

Quels sont les faits marquants de l’année écoulée ?

J’en vois deux : l’irruption des « shale gaz » (ou gaz non conventionnels *) aux Etats-Unis et la fin du prix annuel du minerai de fer (NDLR : au profit d’une fixation trimestrielle**) Cette technologie n’était pas nouvelle, mais son application massive a bouleversé les marchés du gaz naturel aux Etats-Unis et va le faire dans le reste du monde.

 

Quand l’Inde et les autres grands pays émergents vont-ils prendre le relais de la demande chinoise ?

La Chine, qui vient de battre des records de raffinage de pétrole, de production d’acier, d’importations de minerai de fer, de production d’aluminium, est plus que jamais l’acteur principal de la demande de matières premières. Avec un modèle économique différent, l’Inde offre cependant un fort potentiel de croissance de son industrie primaire. Elle veut déjà limiter ses exportations de minerai de fer pour alimenter ses importantes aciéries en projet.

 

Les investissements miniers vont-ils être suffisants pour répondre au rebond de la demande ? Les capitaux chinois auront-ils compensés le recul des investissements des grandes compagnies pétrolières et minières ?

Les grandes compagnies du secteur ont continué d’investir l’an dernier, mais moins que précédemment. La stratégie énergétique de la Chine la pousse à investir massivement dans l’énergie et les minerais, y compris dans des pays où les autres ne vont pas, pour satisfaire des besoins en croissance accélérée.

 

Cette politique n’est pas toujours couronnée de succès, comme le montre le refus de montée au capital de Rio Tinto par Chinalco. Ce qui n’a pas empêché d’importants achats de mineurs de fer australiens. Les investissements ont été suffisants par exemple dans la construction maritime, mais l’offre sera de nouveau limitée pour certaines matières.

 

Où en est le développement du recyclage ?

Le secteur du recyclage n’a pas connu de grande mutation. Il faut remarquer que l’évolution des prix des ferrailles ou des vieux papiers est toujours plus liée à celles du minerai de fer ou de la pâte à papier. Les prix des matières secondaires évoluent désormais en symbiose avec ceux des matières primaires.


Quelles sont vos prévisions pour 2010 et 2011 ?

Les prix actuels sont plus proches d’un plafond que d’un plancher. Ils ne devraient guère grimper plus haut sans baisser spectaculairement pour autant, tout en demeurant très volatils.


Propos recueillis par Daniel Krajka

Source : Usine Nouvelle

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