La spéculation soutient les cours des matières premières
28 févr. 2010
L’afflux de liquidités explique le maintien des cours des métaux, et notamment du cuivre
L’année dernière, en pleine crise économique, les cours du cuivre ont gagné 140%. À 7800 $ la tonne, le métal a pratiquement retrouvé son niveau le plus haut d’avant la crise, en août
2008. Il atteignait alors 8500 $.
Pourtant, les industriels du secteur estiment que le marché physique du cuivre – c’est-à-dire les échanges de minerai qui répondent à un besoin réel – restera excédentaire jusqu’à la fin de
l’année. Les chantiers de construction d’usines ou d’immobilier tournent au ralenti dans les pays industrialisés. Cette faible demande devrait pousser à la baisse des prix qui ont quadruplé
entre 2002 et 2008. Ce n’est pas le cas. La même tendance à la hausse des matières premières se constate sur l’immense majorité des marchés soumis à des cotations boursières, comme le pétrole
ou l’aluminium.
« Prenons l’aluminium. Rien dans les fondamentaux ne justifie le soutien actuel des cours mondiaux. La demande est inférieure à la production et les stocks sont importants », explique Gilles
Frécaut, chez Crédit agricole SA. Reste la spéculation. « Les fonds d’investissements, depuis plusieurs années, ont décidé d’introduire les matières premières dans leur portefeuille de valeurs.
» Les cours des métaux non ferreux suivent les variations des marchés financiers. Ils baissent et ils montent au gré des rumeurs.
L’acier est le contre-exemple du système. Son prix se fixe par des marchés de gré à gré entre
industriels. Le cours du fer, sa matière première de base, se joue entre trois producteurs mondiaux, Vale, BHP Billinton et Rio Tinto. Résultat, depuis le début de la crise économique, le prix
de l’acier a été divisé par deux. « Les financiers ne peuvent pas jouer sur ces prix-là. Alors, le prix actuel reflète une réalité : celle de la forte baisse des volumes échangés », constate
Gilles Frécaut.
En revanche, sur le marché du cuivre, tout est matière à tirer les prix à la hausse. À la fin de l’année dernière, l’annonce d’une grève illimitée dans deux mines du nord du Chili, assurant 6%
de l’offre mondiale, a fait flamber les prix. Même mouvement à la hausse quand le dollar, monnaie de référence des cours, montre des signes de faiblesse, ou lorsque les indicateurs de
croissance annoncent un signe de reprise.
Les marchés de matières premières sont soutenus par les investisseurs qui jouent sur leurs valeurs. Avant la crise, les cours mondiaux d’actifs s’étaient enflammés avec l’abondance des
liquidités disponibles. Elles provenaient des profits des sociétés et ceux des pays émergents producteurs de pétrole ou de biens de consommation. Elles étaient aussi le résultat de taux
d’intérêt bas, visant à soutenir l’activité et la consommation.
Avec la crise financière, les banques centrales ont rejoué le même jeu : elles ont mis des liquidités
à la disposition des établissements financiers et ont placé les taux d’intérêt au plancher pour favoriser le crédit. Ces liquidités se sont portées sur les marchés d’actifs, faute d’être
employées dans des crédits que pas grand monde ne recherche.
« Il y a un an, les banquiers centraux ont arbitré entre un risque de crise catastrophique et un risque à venir de bulle. Ils ont choisi cette deuxième solution en inondant le marché de
liquidités », estime Benjamin Carton au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii).
Il reste une réalité : la demande chinoise. La moitié des importations mondiales de fer est destinée aux usines chinoises. La demande d’acier baisse, à peu près partout, sauf en Chine. Pour le
cuivre, les Chinois avaient constitué d’énormes réserves en 2006 et 2007. Ils voulaient se prémunir contre la flambée des cours et les aléas des mouvements sociaux chez leurs fournisseurs
chilien ou péruvien. Jusqu’à l’été 2008, devant la flambée des cours, les Chinois ont réduit leurs importations et utilisé leurs stocks. Pour reprendre leurs achats, dès la baisse des cours au
début de la crise. Ce qui a eu pour effet de contribuer à faire remonter les cours du cuivre jusqu’au niveau d’aujourd’hui.
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Pierre COCHEZ |