Le taux de fret maritime pour le transport des denrées sèches a fondu de plus de 40 % en un mois. Les risques qui planent sur la demande de matières premières n'expliquent pas tout.

 

boatL'un des indicateurs de tendance les plus fiables de la conjoncture industrielle mondiale et, plus en détail, de l'évolution de la demande des ressources naturelles, est l'indice du fret maritime des denrées sèches, le Baltic Dry Index (BDI). En seulement un mois, les taux de fret ont fondu de plus de 42 %, revenant à leurs niveaux d'indice d'août 2008. Pire, la chute est d'une linéarité désarmante : hier, le BDI a encore cédé du terrain et ce pour la 24 e séance consécutive ! Il s'agit de la série continue de baisses la plus longue depuis août 2005.

 

La correction qui affecte le fret maritime de denrées sèches est aussi sans commune mesure avec celle des prix des matières premières. Y compris de celles qui font l'essentiel de son activité : le minerai de fer, le charbon et les céréales. A 139 dollars la tonne en moyenne selon « The Steel Index », les prix au comptant de la matière première de l'acier pratiqués aujourd'hui aux ports commerciaux chinois sont « seulement » 25 % inférieurs à leur pic de 186,5 dollars du 21 avril. Quant au charbon, les prix de la qualité thermique demeurent élevés.

 

La principale céréale transportée par mer, le blé, a vu les cours de son contrat à trois mois négocié à Chicago se replier d'un relativement modeste 12 % sur un mois. Enfin, le mouvement des taux de fret est d'une tout autre nature que ceux des deux indices généralistes des prix des matières premières les plus suivis : le S&P GSCI et le Reuters/Jefferies CRB. L'un a grignoté 1,4 % sur le mois. L'autre a fait jeu presque égal depuis la fin mai (- 0,3 %). Ce couple d'indicateurs a fait machine arrière de 6,5 % sur le trimestre, inscrivant tout de même leur pire performance depuis le dernier trimestre 2008, quand les marchés étaient encore sous le choc de la faillite de Lehman Brothers.

De prime abord, donc, l'esquisse de l'activité industrielle des derniers mois de l'année que le BDI dresse actuellement n'est guère encourageante et détonne avec les indications beaucoup moins alarmantes qui viennent des différents marchés des matières premières.

 

Une première raison de la correction, aussi bien des taux de fret que des prix des ressources naturelles, relève de l'émergence d'un risque sur la demande de produits de base, notamment en Chine. En ce moment, plusieurs économistes de marché abaissent leurs estimations de croissance chinoise en raison notamment du tour de vis donné au crédit par les autorités monétaires du pays. En particulier, les experts se montrent sensibles aux menaces de réduction de la production d'acier, dont l'influence sur les achats de minerai de fer et de charbon à coke est énorme. Mais l'effondrement des taux de fret n'est pas seulement la conséquence de l'avancée du pessimisme sur la trajectoire de la demande de matières premières pour l'industrie. Il est aussi le reflet de causes propres au secteur du transport maritime. « L'offre de vaisseaux croît à un rythme supérieur aux attentes », alertent les spécialistes chez Credit Suisse. Au premier semestre, la flotte mondiale de vraquiers a augmenté de 14,4 % en données annualisées. Un pourcentage de hausse record. En 2010-2011, ces analystes tablent sur une croissance de l'offre de ces navires de 9 à 10 %. Environ deux fois plus que la demande anticipée de cette catégorie de fret. Ce qui ne laisse pas d'espoir d'un redressement rapide des prix du transport transocéanique.

 

MASSIMO PRANDI, Les Echos

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