Le grand bond en avant de la Chine
04 mars 2010
L’envol des importations chinoises de matières premières s’est effectué au détriment de la production locale. En 2010 une forte demande de métaux de base devrait succéder à celle d’acier
et de ciment de l’année précédente.
« 2009 a été une année extraordinaire pour les matières de base etla Chine », souligne l’analyste d’UBS Peter Hickson, en préambule à sa dernière étude sur le sujet. Malgré, ou a
cause de la crise financière, le plan de stimulation de l’économie concocté par l’Etat chinois a provoqué un envol de la consommation apparente et des importations des principales matières
premières. La « reprise économique avec des caractéristiques chinoises », basée sur le développement des infrastructures a de plus mis en exergue la dépendance du pays aux ressources
naturelles importées. Une situation qui explique qu’un quart des fusions-acquisitions réalisées en 2009 l’aient été par des entreprises d’Etat chinoises.
Le « grand bond en avant » le plus spectaculaire de la consommation apparente chinoise a été celui de l’acier qui a crû de 25 % à 565 millions de tonnes (Mt). Pour répondre à la demande, les aciéristes chinois ont augmenté de 42% leurs importations de minerai de fer et de 894% celles de charbon métallurgique ! De plus, les exportations de coke chinois qui étaient en moyenne de 15 Mt ont été réduites à zéro. Selon Peter Hickson la poursuite de la hausse des prix du minerai de fer et du charbon à coke indique l’absence de constitution de stocks importants des intrants de l’acier. Toutefois, une production d’acier de 567 Mt et des hausses respectives de 11 et 16% des productions locales de minerai et de charbon semblent démontrer une continuelle baisse des teneurs du minerai extrait en Chine.
Pour 2010, l’analyste attend un net ralentissement de la croissance de la production d’acier qui ne devrait progresser que de 4% à 590 Mt. La réduction des mesures de stimulation de l’économie et le resserrement du crédit devraient modérer la demande d’acier et de ciment. Par contre, la demande intérieure et les exportations devraient soutenir l’activité de l’industrie manufacturière. En janvier, la production et les ventes d’automobiles étaient en hausse sur un an de respectivement 143% (1,6 million) et 124% (1,7 million). En 2009, rappelle Peter Hickson, les investissements en capital fixe ont représenté 58% du Pib.
Ecartant les craintes très répandues, l’analyste de la banque suisse estime que l’Etat organise adroitement la fin des mesures de stimulation de façon à maintenir un rythme soutenu de la croissance. Il devrait s’abstenir de toute augmentation des taux d’intérêt d’ici à la fin de l’année. La réduction progressive des investissements en capital fixe devrait être compensée par l’augmentation de l’activité manufacturière. Il note cependant l’importante déconnexion entre la hausse de la demande apparente d’acier, +25%, et l’augmentation du Pib, +8,7% en 2009. En 2010, la tendance devrait s’inverser.
La production locale déplacée par les importations
Les importations chinoises de métaux, sous différentes formes –concentré, déchets, métal –, se sont envolées en 2009. Celles de zinc ont doublé, alors que pour le nickel et le cuivre les augmentations étaient de respectivement 42 et 36%. Pour le platine les achats ont bondi de 30%. A l’origine de ce bond des importations, la part des besoins chinois dans la consommation globale de métaux est de plus de 30%.
L’augmentation de la consommation chinoise a été massivement alimentée par la hausse de sa demande de matières premières. Le minerai ou les concentrés représentent 44% de ses importations de nickel. Les taux sont proches pour les autres métaux de base, 43% pour l’aluminium (bauxite ou alumine), 40% pour le cuivre et 35% pour le zinc.
Une situation qui s’explique par les problèmes croissants auxquels se heurte une industrie extractive chinoise trop éclatée, et minée par la conjonction de ressources de basse qualité et en déclin et une augmentation de ses coûts – travail, énergie, eau, fiscalité et environnement –, sans oublier l’appréciation progressive du yuan. D’où la volonté du gouvernement de restructurer, concentrer et moderniser le secteur. Le dynamisme des acquisitions minières à l’étranger souligne la reconnaissance par les entreprises chinoises de la faiblesse des ressources du pays.
Bien qu’ayant procédé au plus important mouvement de stockage de cuivre en 2009, il semblait en fin d’année quela Chinene déborde pas de métal rouge, estime Peter Hickson. L’accroissement de sa production de demi-produits – fils, tubes, barres, feuilles – semble avoir tout absorbé et la prochaine saison de restockage, devrait voir les industries fortement consommatrices de métal rouge revenir à l’achat dans de plus grandes proportions que le marché ne l’attend.
Ce phénomène devrait se reproduire pour d’autres matières, telles le zinc ou la pâte à papier, où les importations semblaient excessives. La seule explication, selon l’analyste, réside dans une production locale inférieure aux chiffres officiellement affichés. La très forte augmentation des importations de pâte à papier n’a pu s’effectuer qu’au détriment d’une production locale de qualité inférieure. Comme pour le minerai de fer, les importations de pulpe bénéficient de coûts de production inférieurs – énergie, eau, environnement – et cannibalisent la production locale, énergivore et polluante, avec l’accord des autorités.
Hausse de la consommation de métaux de base
Si le plan de développement des infrastructures a soutenu les demandes de ciment et d’acier, le rebond de l’activité manufacturière va en priorité bénéficier aux métaux de base. Si le réseau électrique doit diminuer ses achats de cuivre de 25% en 2010, la chine doit cependant installer 85 GW – thermique 55GW, hydro 15, nucléaire 1,1, éolien 13 et solaire 0,2 – de nouvelles centrales électriques cette année. Le réseau doit aussi construire quatre lignes de transmission à très haute tension dela Mongolievers le sud, solution préférable à l’implantation de centrales qui devraient être alimentées en charbon par des voies ferrées déjà surchargées.
La demande intérieure – auto, produits blancs, immobilier – est plus vorace en métaux de base et moins en acier/ciment que la construction d’infrastructures. Cette demande en hausse soutiendra également les investissements en capital fixe, tels les machines et les équipements, également à forte intensité de non-ferreux.
La croissance du crédit devrait poursuivre son ralentissement. Toutefois, il devrait être suffisant pour soutenir une croissance du Pib d’au moins 9%, estime UBS. Une situation particulièrement favorable à la demande de métaux de base, d’autant que le restockage devrait s’intensifier dans les autres pays du monde