Le paysan qui sème de l'espoir sur les marchés
20 mars 2010Président du groupe Limagrain, Pierre Pagesse a créé la fondation Momagri, la première à avoir misen équation le rôle de la spéculation sur les marchés agricoles.
« Les marchés agricoles ont besoin d'être encadrés. Ne pas le faire, c'est créer de la misère et du chaos. Et pas seulement pour les paysans », avertit Pierre Pagesse,
président du groupe coopératif Limagrain, quatrième semencier mondial. « La dépression qui touche les matières premières agricoles ne me surprend pas. »
Un modèleà 25 000 équations
« J'ai eu cette intuition lors d'un voyage à Chicago, les courbes de prix des céréales ne corrrespondaient pas aux discours que j'entendais. » Début des années 2000, c'est l'époque
où le Fonds monétaire international impose sa loi. La religion est au tout marché. En contrepartie de ses prêts aux pays du Sud, le FMI exige le démantèlement des politiques agricoles.
« On a vu les résultat avec les émeutes de la faim », dit Pierre Pagesse avec amertume.
Histoire d'un aveuglement collectif. « Les économistes raisonnent comme s'ils avaient affaire à des produits manufacturiers. » Sans intégrer la complexité liée aux aléas climatiques. Ni le rôle joué ces dernières années par la spéculation.
Il n'est pas le premier à douter. Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie a déjà étrillé les impasses de l'ultra-libéralisme et du FMI dans son livre La grande désillusion. En 2007, la
Banque mondiale elle-même, a fait amende honorable. Regrettant la mise à l'écart des questions agricoles et rurales depuis une vingtaine d'années.
Pierre Pagesse a voulu aller au-delà. En 2005, avec Limagrain, il créée la fondation Momagri (Mouvement pour une organisation mondiale de l'agriculture), chargée de remettre l'agriculture au
coeur du débat. Confie à une équipe d'économistes, sous la conduite de Bertrand Munier, spécialiste des risques, la mission de reprendre tous les modèles économiques à zéro. « Pour
expliquer pourquoi les marchés ne fonctionnent pas. »
Une bataille de chiffres. « Un modèle à 25 000 équations », précise Bastien Gibert qui a coordonné ce travail. Avec une première : la modélisation du rôle de la
spéculation sur les marchés à terme agricoles. Qui a permis de pronostiquer, à contre-courant de tous les prévisionistes, la chute du marché des céréales en 2008.
Aujourd'hui, Momagri veut aller plus loin et créer une agence de notation chargée d'évaluer les politiques agricoles, alimentaires et environnementales. En reprenant le modèle des grandes agences
de notation financière.