Nous n'avons plus de matières plastiques et nous ne pouvons plus travailler normalement." C'est ce cri d'alarme que la Fédération de la plasturgie a adressé le 19 mai à Plastics Europe, son alter ego chez les producteurs de polypropylène, polyéthylènes et autres polymères.

 

"En l'absence de réponse, nous avons décidé de porter notre problème sur la place publique, explique Bruno Estienne, son président. Nous sommes des PME (petites et moyennes entreprises) qui fabriquons des emballages ou des pièces pour l'automobile à partir d'ingrédients livrés par des mastodontes de la chimie auxquels - c'est vrai - nous faisons un procès d'intention faute d'explications crédibles."

 

SCÉNARIO MACHIAVÉLIQUE

Pourquoi les délais de livraison sont-ils passés de deux semaines à trois mois ? "Pourquoi tel industriel a-t-il vu ses livraisons limitées à 30 % de ses besoins, ce qui l'a obligé à arrêter une chaîne de production ?" Pourquoi les Total, Rhodia, Bayer, BASF, Bayer, etc., ont-ils adressé à leurs clients ainsi maltraités la même lettre où figurait la même mention magique : "Cas de force majeure" ?

 

"En plus, ajoute M. Estienne, nous constatons une forte hausse des prix, soit + 30 % depuis le début de l'année pour le propylène. Or ces produits ne sont pas corrélés avec le prix du pétrole, mais avec la charge des usines." De là à penser que les chimistes réservent leur production à la Chine, il n'y a qu'un pas que franchissent les plasturgistes asphyxiés.

 

Faut-il préciser que la partie adverse avance un scénario moins machiavélique, qu'elle n'est pas parvenue à faire passer auprès de clients prêts à céder à la paranoïa ?

 

"Nous-mêmes sommes confrontés à des difficultés d'achats tant nous connaissons une pénurie générale de matières premières, réplique Michel Loubry, directeur de la région Ouest de Plastics Europe. La crise très sévère de 2008 nous a contraints à fermer des unités non rentables et à déstocker. Nous avons été débordés par une reprise beaucoup plus rapide que prévu au premier semestre 2010. Des pannes ont eu lieu dans certaines usines, par exemple sur un vapocraqueur du nord de la France. Nos membres ont prévenu leurs clients de cette accumulation de problèmes, mais certains ne s'en satisfont pas."

 

Il faut aussi se souvenir que la gestion à flux tendu et l'absence de stocks répercutent immédiatement en aval le moindre pépin.

 

Les prix en hausse rapide ? "Ils suivent les évolutions de ceux du pétrole et nous n'avons pas rattrapé les niveaux de juin 2008." Une stratégie prochinoise ? "La pénurie est mondiale et pas du tout circonscrite à l'Europe." Michel Loubry se veut rassurant. "En septembre, nous sortirons de la force majeure et les capacités seront rétablies." Et le dialogue ?

 

Alain Faujas

Source LE MONDE

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