(AOF / Funds) - Dans le sillage des fonds émergents, les matières premières constituent une classe d'actifs qui intéresse de plus en plus les investisseurs institutionnels. Cependant, les motivations de ces derniers peuvent être variables selon l'une ou l'autre de ses composantes. En effet, on trouvera au sein de cette catégorie des sous-jacents très différents : l'or et les métaux précieux, l'énergie, les métaux de base et l'agriculture. L'or par exemple peut être utilisé en période de crise comme réserve de valeur. En revanche, la consommation d'énergie est directement liée à la croissance économique. Par conséquent, les matières premières peuvent évoluer de façon très divergente en fonction des fondamentaux de chacune d'entre elles à savoir l'offre et la demande, mais aussi plus globalement de l'environnement des marchés financiers et des perspectives macroéconomiques ou encore des aléas climatiques.

Si l'évolution des cours peut être très divergente, ils se caractérisent tous par une volatilité très élevée. Dans cette perspective, le choix du véhicule d'investissement apparaît déterminant afin de profiter de la hausse des cours tout en essayant de contrôler les risques. D'une part, les investisseurs peuvent arbitrer entre les ETF (fonds indiciels cotés) ou les OPCVM. D'autre part, ils doivent également choisir entre les ETFs et les fonds purs c'est-à-dire investis sur une seule matière première ou ceux investis sur un panier de matières premières.

Jusqu'à récemment la plupart des ETF étaient investis sur des paniers de matières premières dans une optique de diversification des risques. Si ces véhicules offrent comme pour les autres classes d'actifs l'avantage d'être cotés, transparents et très liquides, en contrepartie, ils ne permettent pas de bénéficier de l'ensemble de la hausse des cours. En effet, les ETF sont investis sur des futures dont les prix sont en général plus élevés - dans la perspective d'une hausse des prix - que les prix au comptant. Ce phénomène dit de «contango» entraîne une moindre performance des ETF par rapport à l'évolution du cours des matières premières. Des tentatives ont été faites pour essayer de limiter ce phénomène. «Des indices plus fins ont été récemment lancés, qui essaient de jouer sur la courbe des futures en prenant des positions sur des maturités plus longues, explique Eric Ouedraogo, gérant spécialisé chez Edmond de Rothschild Investment Managers (EDRIM). Cependant, en situation de contango, on ne peut éviter une sous-performance par rapport aux cours au comptant si on investit exclusivement de façon passive.»

Plus récemment, des ETF ont été lancés sur une seule matière première. Ils permettent aux investisseurs institutionnels de prendre des paris sur un sous-jacent en s'exposant par exemple à une matière première pour laquelle ils anticipent une hausse prononcée des cours. On en trouve depuis quelque temps sur l'or et les matières premières précieuses (l'argent par exemple) ou encore le platine. Ce type d'ETF rencontre un réel succès. Toutefois, là encore, ils ne permettent pas de bénéficier de l'ensemble de la hausse.

Par conséquent, pour les gérants spécialisés, les ETF ne constituent pas la meilleure façon de s'exposer à cette classe d'actifs. «Dans le cas où la courbe des futures est ascendante (contango), la gestion passive ne permet pas de tirer pleinement profit de cette classe d'actifs, à moins de pouvoir faire de l'allocation d'actifs et arbitrer entre les différentes matières premières», indique Eric Ouedraogo. Outre ce type d'arbitrage, de nombreux gérants investissent également dans des titres de valeurs liées aux matières premières et arbitrent également entre les actions et les futures. «Il n'existe pas de marchés futures pour toutes les matières premières : je pense notamment au charbon et au minerai de fer, indique Sébastien Lagarde, gérant spécialisé chez AXA Investment Managers (IM). Par ailleurs, même si on ne s'attend pas à une remontée spectaculaire des cours, les entreprises qui exploitent les matières premières peuvent être orientées à la hausse. Par exemple, depuis le début de l'année, il y a eu plusieurs offres publiques d'achat (OPA) dans le secteur pétrolier, les sociétés pétrolières cherchant à renouveler leurs réserves par le biais d'acquisitions.

Ces opérations induisent une hausse potentielle des cours des sociétés juniors.» Si certains fonds sont investis exclusivement dans des actions des entreprises qui exploitent des matières premières, d'autres mixent actions et futures, tout en essayant de limiter les primes liées aux futures. «Un gérant actif peut prendre des paris directionnels et essayer de limiter les effets de contango grâce à l'arbitrage entre les différentes matières premières», explique Sébastien Lagarde. Cet effet peut également être limité par le biais de la gestion alternative. «Nous sélectionnons des traders de matières premières, qui peuvent allouer à la fois sur les différentes composantes (or, pétrole, céréales, etc.), mais aussi sur les différentes stratégies (arbitrages, paris directionnels long et short), explique Eric Ouedraogo, l'objectif étant de tirer profit de toutes les opportunités sur les matières premières tout en limitant la volatilité globalité du fonds.» Investir sur les matières premières nécessite ainsi une analyse fine des fonds et des techniques utilisées. Le choix peut être toutefois limité par les contraintes réglementaires. En effet, les fonds ne peuvent bénéficier du label UCITS III que s'ils sont investis sur des paniers de matières premières et ne pratiquent pas de ventes à découvert.

Des perspectives très divergentes selon les matières premières
A moyen et à long terme, les perspectives sur les matières premières sont très favorables car elles bénéficient de la croissance des pays émergents et constituent une ressource limitée. Toutefois, à court terme elles peuvent varier fortement. Voici schématiquement les grandes tendances actuelles pour les principales matières premières.

Pétrole
Après avoir atteint des plus hauts avant la crise financière, le prix du pétrole oscille dans un tunnel entre 70 et 80 dollars le baril. La perspective de la reprise économique pousse les analystes à l'optimisme. «Le marché s'est beaucoup assaini depuis un an, indique Hervé Liévore, stratégiste Axa IM. Les stocks constitués pendant la crise sont en train de se résorber. Par ailleurs, la demande des pays émergents et notamment de la Chine est très forte. Il existe donc un potentiel de hausse en 2010.»

Or et métaux précieux
Là encore l'optimisme est de mise, même si les évolutions laissent les spécialistes perplexes. «La demande traditionnelle d'or pour la joaillerie a été laminée par les niveaux de prix. Les investisseurs institutionnels ont réduit leur exposition depuis septembre dernier sur l'or si l'on en croit l'évolution des encours des ETF, indique Hervé Liévore. Pourtant, les prix restent élevés. Cela s'explique sans doute par la demande des Banques centrales des pays émergents comme l'Inde ou la Chine qui sont en train de se constituer des réserves.» Cette tendance à la hausse bénéficie également aux autres métaux précieux comme le platine et le paladium.

Métaux de base
Les gérants sont en revanche beaucoup plus prudents. «Les stocks au niveau mondial sont extrêmement élevés, rappelle Hervé Liévore. Pourtant, le niveau des prix est proche de celui enregistré pendant la période d'euphorie entre 2004 et 2008.»

Produits agricoles
«Pour la plupart des céréales et protéagineux comme le maïs ou le soja, les prix sont plutôt déprimés. En revanche, ils sont relativement soutenus pour le blé, les prix étant tirés par la filière des biocarburants», indique Hervé Liévore. Pour les produits tropicaux, au contraire, la pénurie pourrait s'installer. «On a atteint des niveaux de prix qui n'avaient pas été observés depuis trente ans sur le sucre, explique Eric Ouedraogo. La production de cacao stagne alors que la demande demeure importante. Là aussi on peut s'attendre à une très forte hausse.»

Sandra Sebag

Retour à l'accueil