Matières premières : au secours, la hausse revient !
09 avr. 2010
Le retour de la hausse
Non seulement le prix du minerai de fer bondit de 90%, mais il sera dorénavant fixé sur une base trimestrielle. Ceci devrait entraîner une flambée des prix touchant jusqu’aux consommateurs
d'acier, en particulier le BTP et l'automobile.
Les sidérurgistes asiatiques payent désormais leur minerai de fer 90% plus cher. Cette flambée des prix que le brésilien Vale, les anglo-australiens Rio Tinto et BHP Billiton ont infligée à leurs clients illustre le retour de la tendance haussière des prix des matières premières, qui avait été brutalement interrompue par la crise financière de 2008. Cette hausse, applicable au 1er avril, fait suite à une augmentation du prix du charbon à coke de 55% imposée par BHP Billiton aux mêmes aciéristes. Dans la foulée, Xstrata, le premier exportateur mondial de charbon thermique, annonce qu’il faudra débourser 98 dollars la tonne pour sa houille, soit +40% par rapport à l’année précédente.
La volatilité des prix va s'amplifier
Tout aussi importante pour les sidérurgistes que pour les producteurs d’électricité et leurs clients, cette fixation des prix est seulement valable pour le prochain trimestre. Ce passage à un système à court terme remplacera désormais la formule précédente, annuelle. Surtout, il implique une amplification de la volatilité des prix tout au long de la chaîne, jusqu’aux industries consommatrices (BTP, automobile, produits blancs...). Lakshmi Mittal, le patron du numéro 1mondial de l’acier, ne vient-il pas d’annoncer que la hausse des intrants induirait un surcoût de 21% de son produit, qu’il répercutera sur ses clients.
Dans les non-ferreux aussi, le rebond a été prodigieux après la chute brutale de 2008. Indice composite des métaux de base cotés au LME, le LMEX était tombé à 1614 le 24 décembre 2008 pour remonter fin mars à 3651. Depuis leur point bas, les cotations du cuivre, du plomb et du nickel ont plus que doublé. Mais seul le métal rouge, qui approche les 8000 dollars, est en vue des sommets de 2008, à 9000 dollars. Revenus nettement au-dessus des 2000 dollars, l’aluminium, le plomb et le zinc ont juste effacé la chute de l’hiver 2008-2009. Enfin, le prix du caoutchouc naturel (RSS3) a plus que doublé depuis début 2009, à 3,50 dollars le kilogramme.
Les analystes de Macquarie Research, comme leurs collègues, ont revu à la hausse toutes leurs prévisions pour 2010 et les années suivantes. Mais c’est en particulier sur les intrants de l’acier (minerai de fer, charbon à coke) qu’ils attendaient les plus fortes hausses.
La riposte n’a pas tardé à venir. Eurofer, le groupe de pression des sidérurgistes européens, s’est exceptionnellement associé à Orgalime, qui représente les industries consommatrices d’acier, pour « condamner la tentative des producteurs de minerai de fer d’augmenter leurs prix de 80% ou plus ». Dénonçant un oligopole qui affiche déjà des marges de profit supérieures à 50%, ils mettent en garde contre les conséquences d’une telle hausse pour une industrie manufacturière dont la reprise est encore bien fragile.
Gordon Moffat, le directeur général d’Eurofer, demande à la Commission européenne d’intervenir et notamment de s’opposer au projet de coexploitation des gisements australiens de Pilbara par Rio Tinto et BHP Billiton. Refusant de confirmer un accord avec ses clients –pour ne pas prêter le flanc à l’accusation d’abus de position dominante –, le président de Vale, Roger Agnelli, a immédiatement rétorqué: « Le temps où la production des pays en développement subventionnait le bien-être (des nations riches) est terminé.»
Les Chinois plus sereins
A l’inverse, les grands sidérurgistes chinois ont gardé leur calme, admettant que le prix de référence annuel, «opaque et malsain», avait fait son temps. Il est vrai qu’ils investissent des milliards de dollars dans de nouvelles mines en Afrique, en Australie et en Amérique latine… Surtout, la demande asiatique, revenue à son niveau de 2008, tire à elle seule les marchés, même si la production industrielle repart progressivement dans les pays de l’OCDE. Malgré la hausse du minerai, Baosteel, le numéro 2 chinois de l’acier, table déjà sur une amélioration de ses résultats l’an prochain. En Asie (hors Chine), le taux d’utilisation des capacités dans la sidérurgie dépasse les 90%, contre 70% en Europe et aux Etats-Unis. Cette situation devrait entraîner des prix de l’acier plus élevés en Asie pour les industries utilisatrices et écarter tout mouvement d’exportation. Selon Macquarie, le prix de la tonne de fines, tiré par une production de fonte record, devrait se maintenir au-dessus de 100 dollars jusqu’à 2013. Dans un marché très tendu, la tonne de charbon à coke restera à un niveau très élevé, au-dessus des 200 dollars en 2010 et 2011.
La hausse du minerai a participé au rebond des cours des ferrailles, initié par la réactivation des fours électriques. Elles ont gagné plus de 50 euros par tonne depuis janvier sur le marché français, et une centaine de dollars aux Etats-Unis. Pour les métaux de base, qui ont continué de s’apprécier depuis janvier malgré la croissance des stocks, Macquarie table sur une poursuite de la hausse au premier semestre, tirée par une progression de la plupart des marchés clés, à l’exception notable de la construction résidentielle dans les pays développés. Sur le second semestre, l’offre fera la différence, en particulier pour les non-ferreux qui, comme le zinc et l’aluminium, ont les fondamentaux les plus faibles. Le cuivre, le nickel et le charbon ont pour leur part vu leurs prix soutenus par le séisme au Chili, des grèves au Canada et des inondations et tempêtes en Australie. Les restrictions de l’offre, aggravées par la chute des investissements durant la crise, vont perdurer. D’autant que beaucoup de mines subissent une baisse de teneur du minerai et qu’une partie des investissements s’effectuent dans des zones multirisques (Afrique, Mongolie...), en utilisant des technologies non éprouvées.