Trois journalistes en prison en Côte d`Ivoire pour une enquête sur le cacao
18 juil. 2010Ils ont viennent de passer leur deuxième nuit en détention, samedi 17 juillet. Les trois journalistes, dont un Français, sont accusés de vol de document administratif après la publication des conclusions d'une enquête judiciaire sur des malversations présumées dans la filière du cacao en Côte d'Ivoire.
Le Français Théophile Kouamouo, directeur des rédactions du journal Le Nouveau Courrier, ainsi que les Ivoiriens Stéphane Guédé et Saint Claver Oula, directeur de publication et rédacteur en chef, ont été déférés vendredi soir à la maison d'arrêt et de correction d'Abidjan pour 'vol de document administratif'.
'LIVRE NOIR'
Ils avaient été placés en garde à vue mardi après la publication le même jour d'un article basé sur le rapport du procureur ivoirien Raymond Tchimou, qui vient de boucler une enquête ouverte en 2007 sur la juteuse filière du cacao. La Côte d'Ivoire est le premier producteur mondial de la fève brune.
Sous le titre 'Le livre noir de la filière café-cacao', le quotidien détaillait 'pillages' et 'escroqueries' (remboursement de frais pour des missions à l'étranger non effectuées, financement de coopératives inexistantes, surfacturation du rachat d'une usine de chocolat aux Etats-Unis...) dont se seraient rendus coupables les barons du secteur.
Le procureur Tchimou,qui avait transmis récemment ses conclusions confidentielles au président Laurent Gbagbo, a exigé de connaître la source des journalistes, qu'ils ont refusé de révéler. Les trois hommes risquent 'au moins cinq ans d'emprisonnement', a déclaré l'un de leurs avocats.
LE PROCÈS DES "BARONS" EN ATTENTE
Les organisations professionnelles de la presse ivoirienne ont exigé la "libération sans condition et sans délai" de leurs confrères. La France a simplement rappelé son attachement "au libre exercice par les journalistes de leur métier, en Côte d'Ivoire comme partout ailleurs dans le monde". Le consulat de France à Abidjan a proposé à Théophile Kouamouo de bénéficier de la protection consulaire, mais celui-ci a pour l'instant refusé.
Ouverte en octobre 2007 à la demande du chef de l'Etat, la vaste enquête judiciaire sur la filière cacao avait abouti à l'arrestation en juin 2008, pour "détournement de fonds, abus de biens sociaux et escroquerie", de la quasi-totalité de ses responsables (dont des proches de M. Gbagbo). L'enquête avait conduit à une réorganisation provisoire du secteur, dans l'attente d'une grande réforme souhaitée par les partenaires internationaux. Souvent évoqué comme imminent ces derniers mois, le très sensible procès des "barons du cacao", en détention provisoire depuis plus de deux ans, n'a toujours pas été programmé.
Source LE MONDE